
Billie : Pourquoi tu as écrit ce spectacle ?
Pour fuir leur pays, dans lequel leurs vies sont en danger, des personnes sont obligées de traverser la mer Méditerranée dans des conditions très dangereuses. Elles risquent leur vie. C’est un sujet qui me met très en colère ! Je trouve qu’on n’en parle pas assez, on entend très souvent le mot « migrants », mais on ne met pas de visages ni de noms sur ce mot. J’ai voulu parler de ces personnes, prononcer leur prénom, raconter leurs histoires.
Lisa : Dans la pièce, la mer parle. Pourquoi préfère-elle s’adresser aux enfants ?
Elle a l’impression que les adultes ne comprennent pas les histoires qui la traversent. La mer pense que les enfants sont plus ouverts, porteurs d’espoir et de changement. Elle s’interroge : qu’est ce qui fait qu’en devenant adultes certaines personnes vont préférer protéger des frontières plutôt que de sauver des vies ?
B. : Tu penses que la mer est une frontière ?
Dans le spectacle, la mer explique qu’elle est avant tout un lien entre deux terres et entre les gens. Ce sont les humains adultes qui l’imaginent comme une frontière. Certains la font même passer pour un monstre avaleur de vie, comme si c’était elle la responsable des naufrages.
Ava : Est-ce que tu as déjà participé à une mission de sauvetage en mer avec l’association S.O.S. Méditerranée ?
Sur le navire Ocean Viking, il y a peu de place, alors chaque personne doit être très utile pour laisser le plus de place possible aux naufragés. Moi, je me suis donnée pour mission d’écrire et de transmettre les histoires de ces personnes, et cela ne nécessite pas de monter à bord. Seuls les marins sauveteurs, les médecins, les sage-femmes, les traducteurs sont indispensables sur le bateau lors des missions de sauvetage.
L. : Est-ce que tu as la même histoire que les enfants des bateaux ?
Non, je suis née en France et je vis dans ce pays. En revanche, ma maman est Algérienne, elle a vécu l’exil, mais pas dans les mêmes conditions.
B. : Pourquoi as-tu choisi le violoncelle pour accompagner l’histoire ?
C’est un instrument que j’aime beaucoup : il est presque de taille humaine. Je lui ai donné un prénom, il s’appelle Robert. Robert arrive à transmettre ce que l’on ne peut pas toujours dire avec les mots.
Esquif (à fleur d’eau) d’Anaïs Allais Benbouali, du 4 au 22 décembre, au théâtre national de La Colline