
Déjà réalisateur en 2017 du foisonnant L’Usine de rien, Pedro Pinho confirme son goût pour l’ampleur narrative avec ce film d’une durée de 3h30. Il fallait bien cela pour explorer toutes les nuances politiques, sensuelles et atmosphériques de cette fresque située dans une Afrique de l’Ouest marquée par un très prégnant contexte postcolonial.
Ingénieur environnemental portugais envoyé en mission en Guinée-Bissau, Sérgio (Sérgio Coragem) déambule ainsi dans des paysages imposants où il évalue un projet de construction d’une route entre le désert et la forêt. Homme curieux et faussement effacé, l’ingénieur va se lier à plusieurs personnes nées et vivant sur place, comme le flamboyant Gui (Jonathan Guilherme) et la combative Diára (Cleo Diára), qui n’hésiteront pas à dire à Sérgio combien il incarne à leurs yeux un agent du capitalisme occidental derrière ses airs de bienveillance et de charité. Tout l’intérêt provient justement du fait que Sérgio semble accepter la critique, au point que les remises en question et réorganisations des mécanismes de pouvoir social vont entre autres s’incarner dans des relations sexuelles et physiques.
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Bien au-delà d’une vague intrigue ayant trait à la disparition d’un ingénieur italien quelques mois plus tôt, Le Rire et le Couteau se mue alors en vaste et envoûtante épopée du désir corporel et de la découverte de soi. Faisant la part belle à l’attachant personnage queer de Gui, qui libère beaucoup des inhibitions de Sérgio, le cinéaste raconte avoir voulu retracer l’intense combat pour « un devenir queer » qui se joue autant dans l’espace public que privé. Les séquences de fêtes fantaisistes en boîtes de nuit donnent ainsi au film des airs de Pacifiction, en plus sensuel et torride. Car par sa mise en scène polyphonique et en tension permanente, Pedro Pinho parvient au bout du chemin à nous faire voir d’un œil plus vif, conscient et ému la déambulation finale sur une rivière infinie où la nature reprend ses droits.
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