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LA REDAC A CANNES : JOUR 8

  • Trois Couleurs
  • 2016-05-18

Déjà une semaine qu’on est à Cannes, la fatigue se fait sentir, on entre dans un état de transe qui nous rend philosophes : « en fait au bout d’un moment, t’es tellement fatigué que t’es même plus fatigué » observe-t-on en fin de journée. En route pour la montée des marches pour le film d’Olivier Assayas, on se fait rouspéter parce qu’on avance pas assez vite :

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Bref, on ressemble à des zombies, et on se sent dans notre élément au milieu des esprits de Personal Shopper. Cette incursion d’Olivier Assayas dans le fantastique lui permet de sonder la psyché torturée de Maureen (incarnée par Kristen Stewart, évanescente et à fleur de peau), assistante de mode d’une jeune starlette très médiatique. Quand elle ne travaille pas, Maureen traîne sa nonchalance dans une vieille bicoque hantée dans laquelle elle espère entrer en contact avec le fantôme de son frère jumeau, mort des suites d’une malformation cardiaque dont elle est également atteinte. Cette quête révèle peu à peu ses propres démons, car Maureen est en crise identitaire : elle lorgne sur la garde robe luxueuse de sa patronne, fait tout pour repousser ses retrouvailles avec un amant exilé dans un pays lointain, ne parvient pas à surmonter la perte de son jumeau – comme si l’accepter allait lui faire perdre une partie d’elle-même.

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Crissements de parquets, jeux de lumière inquiétants, pièces (pas si) vides… Assayas reprend à son compte les motifs du film de fantôme sans trop insister dessus. Plutôt que de chercher à effrayer, son ambition est de capter le trouble intérieur d’une protagoniste manifestant peu ses émotions. Véritable documentaire sur son actrice principale, de tous les plans, il filme son visage comme une surface blanche indéchiffrable. Si bien qu’à la fin, le spectateur se demande si les fantômes ne sont pas tout simplement le reflet de ses doutes, de ses questionnements.

En parlant de fantômes : le lendemain matin, en route pour la projection de 8h30 (c’est tôt quand même), on se demande où Doudou et Danielle ont bien pu se volatiliser.

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On n’est pas étonnés de constater quelques minutes plus tard que les mauvais esprits ont irrémédiablement envahi la Croisette : pour la première fois du Festival, on se fait confisquer notre bouteille d’eau à l’entrée du Palais, malgré notre ingénieux système de foulard-double fond. C’est donc les yeux qui piquent et la gorge sèche qu’on s’installe dans le grand théâtre lumière pour le film des frères Dardenne présenté en compétition, La Fille inconnue. Et, COMME PAR HASARD, il s’agit encore de fantôme. Celui d’une femme retrouvée morte sans identité, qui hante la conscience d’une jeune médecin (Adèle Haenel) qui ne lui avait pas ouvert la porte de son cabinet juste avant qu’elle soit assassinée.

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« Si elle était morte, elle ne serait pas dans nos têtes », dira la docteur, bloc de droiture (et de culpabilité), qui se met à mener l’enquête pour trouver le nom à graver sur sa tombe. Reprenant en partie le dispositif simplissime mais redoutablement efficace de Deux jours, une nuit avec leur héroïne qui avance au porte à porte, les frères Dardenne livrent une affaire de réparation morale sèche et oppressante, un peu plombée par un scénario qui manque de souffle. En plein milieu de la séance, alors que sur l’écran l’héroïne s’affaire tranquillement sans embêter personne, notre voisin, visiblement habité par le démon, lâche un rauque et surprenant : « bouh ».

Plus loin, c’est le spiritisme et la magie noire qui ont envoûté la Croisette avec La Forêt de Quinconces, premier long métrage aventureux et exalté de l’acteur Grégoire Leprince-Ringuet présenté en séance spéciale.

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Paul aime Ondine à se damner, mais la jeune fille étouffe et préfère le quitter. Paul, qui jure alors de ne plus jamais s’éprendre d’une femme, tombe sous le charme de Camille, qui use d’un sortilège pour faire de lui un captif amoureux. Romantique en diable, tout en dialogues poétiques, le film fait des allers-retours entre vers et prose : on passe ainsi souvent d’un langage à la construction très sophistiquée à un registre beaucoup plus spontané. En invitant le fantastique dans ces badinages amoureux, le film fait preuve d’une vraie croyance dans le pouvoir d’envoûtement des mots.

Esprit, es tu là ?  Depuis nos ténèbres cannoises, on aimerait bien savoir si quelqu’un nous lit toujours. Si oui, manifeste-toi, un cadeau tu recevras.

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