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LA REDAC A CANNES : JOUR 6

  • Trois Couleurs
  • 2016-05-16

Hier soir, à la fête d’American Honey, les kids d’Andrea Arnold rejouaient l’Americana du film sur scène, transis d’une émotion contagieuse à mesure que défilait l’incroyable B.O. du film, entre country et trap. Point d’orgue atteint sur le lancinant Choices du rappeur E-40 : la réalisatrice tombe dans les bras de son actrice magnétique, et la salle entière s’embrase (on exagère à peine).

Love is in the air :

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C’est donc le cœur empli d’amour qu’on ouvrait les yeux ce matin, tout à la joie de nos retrouvailles avec Jeff Nichols <3 : pile deux mois après la sortie de son Midnight Special, il présentait Loving en Compétition officielle. L’ultrasensible cinéaste américain transpose l’histoire vraie d’un couple mixte (il est blanc, elle est noire) des fiftiespersécuté par l’état ségrégationniste de Virginie – le film, avec ses flics racistes et brutaux, résonne d’ailleurs avec les récentes affaires de bavures policières aux us. Jugé illégal, le mariage des Loving (c’est leur nom) les condamne à un exil de près de 10 ans.

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Nichols prend le temps de souligner l’impact de l’histoire sur le mouvement des Droits Civiques – les Loving ont mené leur affaire jusqu’à la cour suprême, et finalement obtenu gain de cause. Mais ce qui l’intéresse avant tout, c’est de filmer, avec une infinie douceur (mouvements de caméra caressants, yeux immenses de l’actrice Ruth Negga), cet amour absolu mais empêché, motif présent dans tous ses films sans jamais, jusque là, en constituer l’intrigue principale. Quand on avait évoqué ce sentimentalisme en interview lors de son passage à Paris pour la promo de Midnight Special, il avait répondu : « Je suis romantique, mais réaliste ». Et en effet, raccord avec les émotions rentrées des paysans qui peuplent son cinéma (ici, l’acteur Joel Edgerton, renfrogné à souhait, fait des merveilles), Nichols filme le grand amour sans envolées lyriques mais comme une force tranquille, insubmersible, installée dans un quotidien simple et ancrée dans la terre – toujours celle, magnifiée, du Sud des Etats-Unis. C’est la puissance et la singularité de Loving, grand film d’amour terre à terre.

L’amour est partout où tu regardes :

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C’est plus d’amour de dieu qu’il est question dans Mimosas, sorte de western existentiel d’Oliver Laxe présenté à la Semaine de la critique.

Un groupe de Marocains a pour mission de transporter la dépouille d’un Cheikh à travers le Haut Atlas pour l’enterrer près des siens, de l’autre côté des montagnes infinies et hostiles. Lâchés par la caravane, les trois hommes restants, deux types sans grande morale et un fervent croyant, se mettent en quête de leur chemin – et de celui de leur existence – dans cette parabole sur la foi et le salut. À mille lieux de la Croisette, le réalisateur espagnol nous entraine au milieu de paysages grandioses et inquiétants, sublimés par la photo du film, dans une balade méditative un peu aride mais envoûtante.

Pour se rafraichir les méninges après la projection, on se fait un petit cornet face à la mer – fraîcheur, douceur, bonheur :

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La journée s’est poursuivie dans la douceur et dans la poésie avec Paterson, qui concourt pour la Palme. Ceux qui en étaient restés à la flamboyance et à la séduction très directe de son Only Lovers Left Alive ont dû être un poil déroutés par ce récit minimaliste. Sur une semaine, on suit la routine d’un conducteur de bus (Adam Driver, parfait dans ce contre emploi), ses fulgurances poétiques qu’il consigne dans un cahier, ses moments passés au bar du coin et ses échanges hyper tendres avec sa petite-amie (Golshifteh Farahani). Une vie simple et tranquille, qui pourrait paraître ennuyante.

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Sauf que ce qui intéresse Jarmusch, ce n’est pas tant la vie que le regard de son héros tranquille. En scrutant attentivement son environnement – la ville de Paterson et ses habitants, depuis le bus ; l’intérieur de sa maison, progressivement envahi par les motifs répétitifs peints par sa copine – le personnage, et avec lui le spectateur, y trouvent la beauté triste ou le comique qui s’y cachent et que l’on a cessé de voir depuis longtemps. Jarmusch, première période, avait déjà montré ce goût pour l’ascèse (Permanent Vacation, Stranger Than Paradise). Si ici, certains essais sont bancals (les surimpressions d’écritures et d’images de cascade…), il est plaisant de constater qu’il n’a pas lâché l’idée d’atteindre une forme de cinéma zen, qui prend ses racines dans la banalité du quotidien.

À la Quinzaine enfin, on a fondu face à la tendresse avec laquelle Sébastien Lifshitz filme, dans Les Vies de Thérèse, la militante féministe Thérèse Leclerc au crépuscule de sa vie – elle est décédée en février dernier.

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Le portrait ne se veut pas exhaustif (rien n’est dit, par exemple, sur sa dernière œuvre, la fondation d’un centre autogéré pour femmes âgées à Montreuil), mais s’avance plutôt comme une ode au bloc de bonté qu’elle semblait être. Cadrant ses mains (alors qu’elle découpe une clémentine ou prend longuement celles de ses proches) et son visage de près, montrant sa faiblesse physique dans laquelle elle conserve pourtant toute sa dignité, il prouve que la vieillesse et la mort peuvent se dérouler paisiblement, quand on est entouré d’amour. Et c’est aussi beau que rassurant.

 

Bonus goodies d’amour :

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