LA REDAC A CANNES : JOUR 11

Hier matin, quand on songeait vaguement à ce dernier compte-rendu, on craignait un peu que les temps forts soient derrière nous et de ne plus trouver grand-chose d’émoustillant à rapporter. Mais c’était sans compter sur les surprenants tournants que le Festival est capable de prendre, même dans les derniers mètres. À la Quinzaine hier, c’est


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Hier matin, quand on songeait vaguement à ce dernier compte-rendu, on craignait un peu que les temps forts soient derrière nous et de ne plus trouver grand-chose d’émoustillant à rapporter. Mais c’était sans compter sur les surprenants tournants que le Festival est capable de prendre, même dans les derniers mètres.

À la Quinzaine hier, c’est d’abord Divines qui nous a pris par surprise. On s’attendait à un film de plus sur la jeunesse de banlieue ; au final ce premier long métrage de la réalisatrice Houda Benyamina s’impose comme un portrait de jeunes filles de grande ampleur. Deux copines, Dounia et Maïmouna, laissent tomber leur BEP pour suivre la trace de la charismatique Rebecca, une dealeuse qui se fait respecter comme personne dans le quartier.

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Le film étonne dès le début par sa drôlerie : certaines répliques sont savoureuses (on retient le déjà culte « Toi, t’as du clitoris ») et Oulaya Amamra, qui campe Dounia, a une gouaille qui apporte beaucoup de panache. Dans la deuxième partie de l’intrigue, Benyamina, sans crier gare, fait basculer son film dans la tragédie. La comédie se charge d’une grande noirceur, d’une certaine violence – dans l’une des dernières scènes, elle filme par exemple un incendie pendant lequel les pompiers n’interviennent pas par peur de pénétrer dans la cité et de se faire agresser. Ce changement de ton permet à la réalisatrice de développer un discours frondeur sur l’isolement des jeunes de cité. Parmi cette galerie de personnages au tempérament explosif et à la tchatche surexcitée, elle met au premier plan des figures féminines fortes et tout en nuances.

Pour se remettre de nos émotions, on a longé la Croisette.

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Superbe vue côté plage…

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… mais après tout pourquoi pas pique-niquer plutôt côté route ?

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On a ensuite réintégré la salle obscure pour découvrir Le Client, le film d’Asghar Farhadi en Compétition. Petite excentricité en début de séance : au lieu de crier « Raoul ! » au moment où défile le spot de présentation du Festival – selon une coutume aux racines obscures -, un spectateur a hurlé « Simone ! », ce qui a entraîné l’hilarité générale (oui, à ce stade de fatigue, il nous en faut peu).

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C’est donc dans la bonne humeur qu’a démarré le film du cinéaste iranien. Alors qu’il s’ouvre sur des plans fixes d’un décor de théâtre vide, l’action démarre en trombe à la faveur d’un cut sur une cage d’escalier qui nous plonge dans… Dans rien du tout, puisqu’à cet instant de la projection, hier soir, les lumières de la salle Debussy se sont soudainement rallumées et l’image a disparu de l’écran. Le temps de régler le problème et de relancer le film, et nous revoilà devant les images du théâtre, puis celles de la cage d’escalier. On comprend alors les enjeux de la scène : les habitants d’un immeuble cèdent à la panique en constatant que celui-ci vient tout juste de commencer à se fissurer et menace de s’écrouler d’un instant à l’autre. C’est ainsi que sont introduits les deux héros, Emad et Rana, un jeune couple iranien obligé de trouver d’urgence un nouveau logement. Celui qu’un ami leur déniche sera à l’origine d’un drame : l’agression de Rana par un inconnu dans sa propre salle de bain. Se focalisant dès lors sur l’enquête menée par Emad pour retrouver le coupable, Farhadi ménage ses effets pour ausculter les réactions de ses héros. Peur et paranoïa pour elle ; colère et besoin d’humilier l’agresseur pour lui. Ce récit à déflagration lente est rendu haletant par la tension adroitement distillée et le surgissement ponctuel d’actions choc – on pense surtout à une énorme baffe qui a fait sursauter une bonne partie de la salle.

Cerise sur le gâteau des surprises enfin ce matin : Paul Verhoeven qui, a 77 ans, frappe encore une fois là où ne l’attendait pas. Vingt-quatre ans après avoir défendu sur la Croisette son Basic Instinct, et plutôt discret depuis l’échec de son dernier film hollywoodien (Hollow Man, en 2000), le Néerlandais a refermé la Compétition Officielle avec Elle, un jouissif et retors thriller SM, son premier film tourné en France. Isabelle Huppert y campe une chef d’entreprise autoritaire, hantée par un lourd passé et cible de tous les fantasmes. Victime d’un viol, elle cherche à découvrir l’identité de son agresseur et finit par se prendre au jeu dangereux d’une trouble relation avec lui. Toujours subversif, cruel et profondément féministe, le cinéma de Paul Verhoeven n’a rien perdu de son audace, et fait preuve ici d’une radicalité toute juvénile.

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Concluons sur une note festive. Durant cette édition, on a remarqué que les gens semblaient un peu saoulés par les soirées, qui ne seraient plus à la hauteur du Festival de Cannes d’antan et seraient un peu routinières. Mais hier soir, on est allés pour la première fois au Vertigo, le club officiel de la Queer Palm, et on peut vous dire que le lieu tranche pas mal avec le reste de la Croisette. Spectacles de travestis flamboyants, ambiance à la cool (on peut fumer tranquille dans la boîte, comme dans les nineties), danses bitchy sur du Britney, Augustin Trapenard éméché, clientèle prête à faire chauffer la CB pour vous offrir des bouteilles de vodka et chopes fugaces dans tous les coins… On ne soupçonnait pas qu’un endroit aussi galvanisant puisse exister à Cannes ; promis, on ira tous les soirs l’année prochaine.

 

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Bonus cadeau surprise :

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