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Jours de France, Tombé du ciel… Les films préférés de la rédac cette semaine

  • Trois Couleurs
  • 2017-03-16

JOURS DE FRANCE

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Ce qui meut Pierre (Pascal Cervo) sur les routes départementales au volant de sa fringante Alpha Romeo blanche, on ne le sait pas vraiment. Il vient de quitter Paul (Arthur Igual). Sans désir fixe, le Parisien erre de partenaire en partenaire, d’hôtel de province en végétation de rond-point, avec pour seule boussole une appli de drague gay par géolocalisation. Jérôme Reybaud raconte cette odyssée existentialo-sexuelle avec subtilité, humour et tendresse. Certes, les paysages de la France dite périphérique qu’il nous montre paraissent souvent ingrats. Pourtant, ces lieux qu’on se contente habituellement de traverser en vitesse, le cinéaste a le mérite de les regarder frontalement, de leur redonner vie et dignité, tout comme à ses habitants solitaires: ici une voleuse bavarde, là une chanteuse de maison de retraite, ailleurs un jeune provincial attiré par la capitale… À la prévisible galerie de personnages folkloriques nimbés d’une sociologie de surplomb, le cinéaste préfère le parfum indécis de la rencontre. Chacun a ici le temps d’exister, et même de revenir plus tard dans le film, librement. Tel un fantôme bienveillant.

TOMBÉ DU CIEL

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Difficile de décrire Tombé du ciel sans évoquer Après, précédent moyen métrage de Wissam Charaf, également consacré au retour d’un milicien présumé mort pendant la guerre civile libanaise (1975-1990). Calfeutrant la brutalité ambiante par petites touches de dérision, le film jouait d’un équilibre tragi-comique pour souligner l’absurdité d’une violence devenue gagesque. Verdict: du moyen au long métrage peu de changement, si ce n’est que, en passant du cadre étriqué d’un hameau à une métropole indifférente à sa propre démence, l’instantané gagne en précision. La fixité des cadrages et le tranchant du montage annonçaient déjà l’acuité d’un vrai regard, mais l’intention de portraiturer le Liban à l’aune de ses contradictions déploie ici toute son insolence. À l’arrivée, si les gags frisent le comique de répétition, c’est parce que Tombé du ciel enfonce le clou de son constat dérisoire : à Beyrouth, où les attentats sont accueillis dans l’impassibilité générale, où l’on règle ses problèmes de voisinage au lance-roquettes et où les miraculés ne surprennent plus personne, la violence ne serait qu’une blague un peu plus lourde que les autres.

MATE-ME POR FAVOR

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La Brésilienne Anita Rocha da Silveira compose un teen movie horrifique et pop à l’image aussi léchée que les bouilles de ses héros qui se galochent sans arrêt. La nuit, un meurtrier sévit sur des terrains vagues d’une grande ville brésilienne. Le jour, sur une pelouse baignée de soleil, Bia et sa bande de copines se prélassent et échangent avec désinvolture fantasmes et légendes urbaines morbides. Loin d’être tourmentées par la menace qu’elles savent toute proche, les quatre ados jouent avec et se la renvoient comme un ballon de hand-ball – le sport qui leur sert de défouloir au lycée. Quant à l’amoureux de Bia, qui a du mal à résister à ses baisers voraces dans les recoins sombres, il décide de rejoindre un très kitsch club de prière chrétienne pour calmer ses montées d’hormones et sa mauvaise conscience… La cinéaste prend le parti de ne rien psychologiser, et c’est tant mieux; elle construit plutôt un kaléidoscope, tout en vibrantes lumières fluo, des pulsions de ces jeunes gens en fleur. Fascinés par le sexe et la mort, ils sont montrés tour à tour comme des zombies se copiant les uns sur les autres et comme des boules d’énergie sanguines et autonomes.

ZOOLOGIE

Zoologie

Natacha, employée de zoo solitaire, découvre qu’une queue a poussé dans le bas de son dos. Armé de ce postulat de science-fiction, le jeune cinéaste russe Ivan I. Tverdovsky (Classe à part, 2015) s’est attaché à rendre la protubérance étrangement crédible et réaliste. Sans poils, d’apparence lourde et reptilienne, elle pourrait bien ressembler au reliquat humain d’une queue animale. Source de stigmatisation pour certains (la communauté orthodoxe de la ville, les collègues du zoo), et d’attirance pour d’autres (un jeune radiologiste, fasciné), l’excroissance devient paradoxalement un outil d’émancipation pour Natacha, le premier signe fort d’identité d’une personnalité jusqu’alors très banale. En s’appropriant peu à peu ce corps mutant, la quinquagénaire va conquérir une féminité et un désir sexuel jusqu’alors tus. Emmené par Natalya Pavlenkova, formidable actrice principale, Zoologie combine avec finesse le drame naturaliste et la parabole cruelle sur la différence dans une petite ville asphyxiée par le conservatisme et les superstitions.

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