
On grandit en étant persuadé d’être le personnage principal. Et si, en fait, il valait mieux être le personnage secondaire de l’histoire de quelqu’un d’autre ? C’est Ariana Grande et William Lebghil qui m’ont mis le doute. Notez, au passage, que c’est sûrement la première fois qu’on compare Ariana Grande à William Lebghil. C’est bien la preuve que tout est possible.
Dans Wicked, Ariana Grande – la pop star mondiale – joue, avec un humour qu’on ne lui connaissait pas, les faire-valoir hilarants. Elle est Glinda la fée, improbable peste égocentrique. Un second rôle, moins fort dramatiquement que la trajectoire de l’héroïne toute verte (promis, cette phrase a du sens). Elle rêvait de ce rôle-ci (le vert, finalement joué par Cynthia Erivo) et la voilà qui explose dans l’autre (le rose), au point même qu’elle semble favorite pour les Oscars.
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La preuve que, parfois, être à côté vaut mieux qu’être au milieu. Les Américains appellent ça des « scene stealers » – des voleurs de scènes (anglais LV2 mais quand même) –, mais ça en deviendrait presque une philosophie de vie.
Dans la saison 3 d’Hippocrate, aka la série la plus génialement anxiogène de l’année, William Lebghil est la bouffée d’oxygène d’un hôpital à bout de souffle. Lui aussi ne fait que passer – le scalpel et le stéthoscope, en l’occurrence. Et pourtant, au milieu de cette bande à cran, chacune de ses répliques parcimonieuses fuse comme une trouée d’air. Juste là où il faut, quand il faut.
Malin, le réalisateur Victor Rodenbach lui offre le « beau rôle » de son film du même nom, celui d’un acteur qui va devoir laisser sa place dans son couple et dans sa vie et apprendre à ne plus être au centre. Une comédie romantique de l’à-côté que Lebghil survole avec une grâce telle qu’on en viendrait même, nous aussi, à vouloir se mettre sur le banc de touche.
C’est tout un art, de savoir laisser sa place aux autres. Lebghil a ça. Un rythme, une façon de faire respirer les mots, une sorte de diplomatie cool, un « être là mais pas tout à fait » qu’Alex Beaupain et Diastème utilisent à merveille dans leur Joli joli, comédie musicale bonbon sur les ratages de l’amour. Un film choral mi-Resnais, mi-Demy, dans lequel tout le monde semble être le second rôle de l’histoire de l’autre. Peut-être que ça tient aussi à ça, le plaisir des comédies musicales. Un monde où il n’y a pas de premier ou deuxième rôle, juste une bonne harmonie.
Wicked de Jon M. Chu, Universal Pictures (2 h 40), sortie le 4 décembre
Le Beau Rôle de Victor Rodenbach, Jour2fête (1 h 24), sortie le 18 décembre
Joli joli d’Alex Beaupain et Diastème, Haut et Court (1 h 56), sortie le 25 décembre
Hippocrate (saison 3) de Thomas Lilti, disponible sur Canal+