
ÉDITO · Elle est la classe incarnée – alors même que le personnage qui a lancé sa carrière s’appelle la « Connasse ». Il y a dix ans, dans la foulée des capsules en caméra cachée où elle jouait le cliché de la Parisienne trop franche et imbuvable, Camille Cottin achevait de se faire un nom en campant une autre femme affichant un trop-plein de confiance en elle qui la rendait hautaine : Andréa Martel, l’impitoyable agente de stars dans la série Dix pour cent. Utilisé comme un trait comique dans les deux cas, le côté bossy est plus nuancé chez Andréa, dont la douceur se révèle au fil des saisons (quatre pour l’instant, et un film en tournage cet automne), contrairement à la Connasse qui enquille les sketchs dignes de la performance et avec toujours plus de culot.
Cet aplomb, on imagine que la comédienne le doit autant à son talent qu’à son expérience : quand les projecteurs se sont braqués sur elle, elle avait 35 ans, une carrière faite de petits rôles à l’écran, une autre sur les planches entre théâtre classique, boulevard et café-théâtre. Ajouté à son charisme et à la modernité du rôle d’Andréa – comme elle nous en parle en interview –, ce combo a permis à Camille Cottin de s’imposer en France comme à l’étranger. On l’a ainsi vue chez Robert Zemeckis, Ridley Scott, Kenneth Branagh ou Phoebe Waller-Bridge, totalement à l’aise face à Matt Damon, Adam Driver, Jodie Comer ou George Clooney.
Les Anglo-Saxons s’arrachent sa classe à la française, elle enchaîne les rôles et les succès, mais n’en oublie pas ses valeurs pour autant. Féministe de la première heure, l’actrice ne s’en cache pas dans ses discours – comme celui en ouverture de Cannes 2024, quand elle nous parlait depuis le futur en imaginant un monde réellement post-MeToo – et à travers ses choix, toujours prête à porter la nouvelle génération d’artistes engagés, comme Nathan Ambrosioni et Jonathan Capdevielle, en interprétant des rôles peu vus.

C’est le cas ce mois-ci dans le très beau Les enfants vont bien, où elle joue une experte en assurance qui bosse trop et doit soudain gérer, avec l’aide de son ex-compagne (Monia Chokri), les enfants de sa sœur (Juliette Armanet). Sur le papier, on pourrait croire à une comédie un peu lourde, mais c’est tout l’inverse : un drame feutré, sensible et réaliste, qui fait la part belle au ressenti des enfants (parfaitement incarnés par Manoã Varvat et Nina Birman) et à la complexité de cette héroïne larguée malgré son côté très installé. Après le rôle-titre de Toni, en famille, précédent film du tout jeune Nathan Ambrosioni, Camille Cottin semble prêter encore plus de profondeur à un personnage de girlboss qui semble sur le point de vaciller. Elle donne encore un autre relief à ce qu’elle est en train de bâtir : un modèle pour notre époque. TIMÉ ZOPPÉ
AU SOMMAIRE DU N°220
EN BREF 🏃♀️
- Nouvelles stars : Erin Kellyman et Manon Clavel
- Queer Gaze : Sebastien Lifshitz
- Divine Gang : Dennis Cooper et Zac Farley pour Room Temperature
- Règle de 3 : Daphné Bürki
CINÉMA 🎥
- En couverture : Camille Cottin et Nathan Ambrosioni pour Les enfants vont bien
- Enquête: Cinéma lesbien, les réalisatrices face au mur de l’industrie
- Entretien : Ophélie Bau pour Mektoub My Love
- Entretien : Guillaume Ribot pour son film hommage à Shoah de Claude Lanzmann
CULTURE 🎨
- Musique : Les 20 ans de Yelle
- Livre : La Nuit retrouvée de Pénélope Bagieu et Lola Lafon
- Série : Los años nuevos de Rodrigo Sorogoyen
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