
Chez Bertrand Mandico, le passé est un territoire onirique et inquiet, saturé d’images mutantes. Dans ce court-métrage, le réalisateur s’approprie la figure historique Salammbô, prêtresse carthaginoise dont Flaubert s’inspira pour son célèbre roman historique éponyme. De l’univers de l’écrivain, marqué par un orientalisme sensuel et violent, Mandico s’éloigne radicalement. Sa Salammbo, jouée par Elina Löwensohn, est devenue une vieille femme à la peau flétrie, agonisant seule sur une île nordique. Hantée par ses souvenirs, l’ancienne princesse reçoit la visite du fantôme de sa jeunesse, qui la martyrise cruellement.
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Pour figurer ce double maléfique, Bertrand Mandico a eu l’idée géniale d’en faire une présence bleutée et diamantée, qui apparaît en surimpressions à l’écran. Au cours de cette torture ponctuée de rires maléfiques et de cris agonisants, la jeune femme que fut Salammbô ne cesse de renvoyer son moi d’aujourd’hui à sa décrépitude : elle lui chatouille les fesses avec sa langue, urine sur sa tête dans son sommeil, se moque de ses seins tombant.
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Le décalage entre le prosaïsme grotesque des sévices infligés contraste avec la beauté magnétique de certains plans – un particulièrement, où Salammbo jeune fait courber l’échine à son moi d’antan à l’aide d’une fumée qui sort de ses entrailles. En sept minutes, sans effets spéciaux, Bertrand Mandico livre un essai lascif et érogène sur les tourments de la vieillesse, mettant en scène le spectacle d’une mise à mort, celle d’une divinité qui n’est plus rien sans sa beauté.
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