Cet article fait partie du dossier DANS LA FÊTE, publié dans le magazine n°199. Retrouvez tous les autres en suivant ce lien.
En 1985, Azedine avait 17 ans. Les weekends, il s’habillait d’un col roulé, d’Adidas Tobacco, et portait une main de Fatma. Et il sortait au Pacific Club, où l’on dansait la soul et le raï sous une tour de la Défense.
Une trentaine d’années plus tard, le cinéaste Valentin Noujaïm le rencontre lors d’un déménagement. « Azedine m’a demandé où je sortais, si c’était compliqué pour moi en tant qu’Arabe de sortir à Paris. Je lui ai répondu que parfois les vigiles étaient un peu cons, mais que je n’avais pas de problème pour rentrer en boîte. Il a commencé à me raconter que lui, quand il était jeune, il ne pouvait sortir nulle part, que le Pacific Club était le seul endroit où il pouvait aller. J’étais étonné qu’il se projette en moi : on ne vient pas du même milieu social, il est hétéro et je suis gay. Pourtant, il avait vraiment envie de transmettre cette histoire. »
Filmant Azedine revenir à la Défense, lieu de business impersonnel, le réalisateur part à la recherche de l’esprit du club englouti sous les buildings. Il le ressuscite par une danse solennelle, imaginant une silhouette au sol qui s’élève dans le parking où logeait autrefois le Pacific. Aussi par des animations 3D, dont le minimalisme gracieux évoque des traces fantomatiques qui se détachent d’une nuit abstraite. Elles donnent corps au récit ému d’Azedine, percé d’évocations du racisme, de la persécution policière, du VIH-sida, de la drogue. Cette mémoire occultée dont Noujaïm se fait le subtil passeur dit alors tout ce qu’en réaction, la nuit, les clubs peuvent apporter d’émancipation et d’épanouissement.
> Festival Silhouette, du 25 août au 2 septembre, au parc de la Butte du chapeau rouge