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Breaking Away de Peter Yates : flottements

  • Jérôme Momcilovic
  • 2018-10-31

On ne connaît que trop le portrait que l’Amérique fit de ses jeunes durant les années 1980 (John Hughes, classes moyennes, affaires pavillonnaires de cœur). On connaît bien celui qu’elle en fit dans les années 1950 (invention de la jeunesse, vitesse et blousons noirs, live fast and die young). Entre les deux, il nous reste à découvrir un certain tableau de la jeunesse américaine des seventies, tableau souvent sombre, à tout le moins lourdement mélancolique, d’autant plus passionnant qu’on y conjugue un double flottement. Flottement d’un âge qui trouve à s’y définir entièrement, dans l’indécision qui le tient à distance égale de l’enfance et de la maturité (c’est tout l’enjeu du teen movie), mais aussi flottement d’une décennie notoirement crépusculaire, entre l’insouciance de 
l’après-guerre et la grande restauration reaganienne. Le monde qui s’éteint dans Breaking Away n’est pas tant celui insouciant des sixties (pour cela, il faudra ressortir le tout aussi beau Big Wednesday de John Milius) que celui de la classe ouvrière. Mike, Cyril, Moocher et Dave avancent à reculons dans la vie sans promesses que leur réserve l’après-lycée, tuent le temps en se baignant dans une carrière abandonnée, jouent des poings quand d’autres, mieux nés qu’eux, les regardent d’un peu trop haut. Parmi les quatre, Dave, superbe personnage, pédale aussi vite qu’il peut sur le vélo qui lui donne sa seule passion, et rêve tellement d’ailleurs qu’il se met à parler italien, se préférant ragazzo plutôt que prolo de l’Indiana. Il n’est pas le seul à rêver d’Europe. Ce portrait doux-amer du prolétariat des champs, s’il est solidement ancré dans une americana crasseuse, n’en a pas moins de faux airs de Free Cinema, et frôle parfois le désespoir de classe d’un Fassbinder (Le Droit du plus fort, cinq ans plus tôt) ou du Verhoeven hollandais (Spetters, un an après).

de Peter Yates
Théâtre du Temple (1 h 40)
Sortie le 31 octobre

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