
Les Amants du Pont-Neuf de Leos Carax (1991)
Tout la beauté et le désespoir du film de Leos Carax se loge dans une séquence tournée au Louvre. Dans ce remake inavoué des Lumières de la ville de Charlie Chaplin, un clochard céleste (Denis Lavant) s’éprend d’une peintre bientôt aveugle (Juliette Binoche). Au coeur de la nuit, cette dernière s’introduit dans la musée pour observer les toiles de Géricault, Delacroix, et surtout Le portrait de l’artiste au chevalet de Rembrandt. Leos Carax filme cette virée clandestine dans une atmosphère crépusculaire, à la lueur d’une bougie qui semble raviver le désir de vivre de l’héroïne. Alors que sa vue décline, le cinéaste lui offre une dernière fulgurance artistique – geste humaniste et sublime idée de mise en scène.
Bande à part de Jean-Luc Godard (1964)
Le Louvre est aussi une arène sportive. Dans cette séquence culte, notre triangle amoureux (Anna Karina, Samy Frey et Claude Brasseur) se donne pour mission de traverser, main dans la main, les galeries du musée en un temps record. Glissades irrévérencieuses, foulées rieuses, talons qui claquent : ils y parviendront en 9 minutes et 43 secondes, grâce à l’étreinte d’un panoramique ludique. JLG investit ce sacro-saint lieu comme un terrain de jeu amoureux, où la fureur de vivre supplante la révérence pour les oeuvres. Pas le temps d’étudier, de stagner, il faut vivre, plus vite que la lumière.

La Ville Louvre de Nicolas Philibert (1990)
Nicolas Philibert est un anthropologue des lieux, un aventurier des espaces. Les chef d’oeuvre du Louvre ne l’intéressent pas – ils préfèrent les petites mains qui les accroche, le personnel qui les nettoient, les souterrains cachés, les gardiens qui changent leur uniforme. Pour la première fois, le musée accepte de dévoiler ses coulisses, mais Philibert contourne l’exercice documentaire. Il écoute le coeur battant de ce lieu secret où on déplace, rembobine, range, dans un étrange ballet prosaïque. Les invisibles deviennent visibles, et le Louvre immémoriel se teinte d’une charge politique.
Da Vinci Code de Ron Howard (2006)
On soupçonne Ron Howard d’avoir adapté le roman ésotérique de Dan Brown uniquement pour privatiser le Louvre – qui fut loué 24 000 euros par jour. Plus que la tortueuse intrigue criminelle, c’est l’usage symbolique du lieu, parfois poussif mais très efficace, qui marque. Tom Hanks, Audrey Tautou et Jean Reno traversent comme des noctambules les galeries empruntes d’un mysticisme glauque. Tout ça suinte l’archaïsme religieux, et on aurait aimé que Ron Howard exploite encore plus à fond cette ambiance horrifique, déliquescente.
Belphégor de Claude Barma (1965)
Un fantôme hante le Louvre, la tumeur enfle et la population panique. Sur cette trame éculée, Claude Barma greffe une esthétique pétrie d’angoisse, qui fait mouche – ce feuilleton télévisé glacera le sang de toute la France pendant des semaines. Véritable phénomène de société, la série, surréaliste et anxiogène, fait du musée un huis clos expressionniste. Ce qui compte, c’est moins l’identité du fantôme que sa traque démente, hallucinée, dans des couloirs sans fin. En 1966, Charles de Gaulle, alors Président de la République, mobilisera la référence lors d’une conférence de presse à propos de l’affaire Ben Barka, parlant d’« une atmosphère à la Belphégor ». Et c’est ainsi que le Louvre entra dans la popculture.
