5 films pirates de Jean-Luc Godard  

Richard Linklater est tellement fan de Jean-Luc Godard qu’il lui a consacré Nouvelle Vague (en salles cette semaine), hommage jubilatoire et reconstitution joyeuse du tournage de « À bout de souffle ». Le film nous a donné envie de nous replonger dans l’œuvre friponne de JLG, mauvais élève qui détourna à plusieurs reprises des films de commande pour en faire des poèmes visuels.


Jean-Luc Godard
"Lettre a Freddy Buache" de Jean-Luc Godard

Lettre à Freddy Buache (1982)

Commande que la ville de Lausanne a passée à Godard et au réalisateur suisse Yves Yersin pour son 500ème anniversaire, ce court métrage (projeté à Un certain regard à Cannes en 1982) s’est transformé en lettre adressée au critique, historien de cinéma et directeur de la Cinémathèque suisse Freddy Buache.  « Les commanditaires seront furieux, ils ont commandé un film sur et ça c’est un film de. Il n’arrive encore pas à la surface, il est encore au fond, au fond des choses. Le cinéma va mourir bientôt, très jeune, sans avoir donné tout ce qu’il aurait pu donner. Alors, il faut aller vite, au fond des choses. Ce texte d’introduction, sombre et prophétique, témoigne de l’anticonformisme fiévreux du cinéaste – autant que de son pessimisme légendaire. 

"Grandeur et décadence d'un petit commerce de cinéma" de Jean-Luc Godard
« Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma » de Jean-Luc Godard

Grandeur et décadence d’un petit commerce de cinéma (1986)

Gaspard Blazin (Jean-Pierre Léaud), cinéaste ruiné, tente de monter son prochain film avec l’aide de Jean Almereyda (Jean-Pierre Mocky), producteur sur le retour. Réalisé par Godard en 1986 pour TF1, Grandeur et décadence… détourne l’hommage à la Série noire pour livrer une réflexion fragmentée, ironique et ludique sur le cinéma et la télévision. Entre faux spots, slogans moqués et récit éclaté, le film défend un cinéma artisanal et engagé… mais enregistre – ironie du sort – l’audience la plus basse de la série. 

"Puissance de la parole" de Jean-Luc Godard
« Puissance de la parole » de Jean-Luc Godard

Puissance de la parole (1988)

Collage surréaliste mêlant références picturales (Francis Bacon, Picasso), cinématographiques et littéraires, le moyen métrage Puissance de la parole, qui tire son nom de la nouvelle éponyme d’Edgar Allan Poe, est un objet plastique et politique en soi. Critique acerbe des télécommunications — thème que Godard avait déjà exploré dans son œuvre en faisant du téléphone un objet inefficace et trompeur (notamment dans À bout de souffle) —, le film, commandé par nulle autre que France Télécom, s’érige en ultime pied de nez. Du Godard, dans toute sa splendeur.

"On s'est tout défilé" de Jean-Luc Godard
« On s’est tout défilé » de Jean-Luc Godard

On s’est tous défilé (1988)

Un film de commande sur la mode ? L’exercice paraissait trop étriqué pour l’esprit irrévérencieux de JLG. Désigné par le duo de stylistes Marithé + François Girbaud (pionniers du jean en France) pour penser ce spot, le réalisateur détourne la contrainte et livre un clip subliminal, où se superposent les silhouettes de passants anonymes et celles de mannequins. Malicieuse façon de désacraliser la perfection des corps dans un milieu où la beauté est toute puissante. Le tout rythmé par une partition de jazz enflammée, et la collision entre extraits de danse et œuvres picturales. La sève du cinéma organique de JLG résumé en un court-métrage. 

"The Old Place" de Jean-Luc Godard
« The Old Place » de Jean-Luc Godard

The Old Place (1999) 

Décloisonner les arts et les médiums a toujours été une obsession pour JLG. La preuve avec cet essai, commandé par le Museum of Modern Art (MoMA) de New York en 1999. Avec sa complice Anne-Marie Miéville, JLG déploie une réflexion purement visuelle sur le rôle des arts à la fin du XXe siècle. On y croise, pêle-mêle, le visage de Gabin, l’œuvre de Boltanski, de Van Gogh, de Goya. La voix-off, récitée par les deux cinéastes, semble venir d’outre-tombe, et résonne comme un poème mélancolique sur la finitude, l’impuissance de l’art à repousser la mort : “J’ai de nouveau l’impression d’entendre les bruits et les murmures de tous ces fantômes blottis au milieu de leurs œuvres, dans le dernier refuge qui leur restait sur terre.”

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