
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’incarner Buffalo Bill, cette figure majeure de la mythologie Américaine ?
On me l’a proposé ! C’est mon amie Léa Seydoux qui a soufflé mon nom aux réalisateurs. Se voir offrir un rôle comme celui de Buffalo Bill, ça n’arrive pas tous les jours. Avant de pouvoir l’incarner, il a fallu chercher la vérité derrière la légende. Il inventait toutes ces histoires fausses sur l’Ouest, mais lui, que croyait-il vraiment ? C’est un personnage fascinant.
Le film interroge justement cette idée de mythe. Quel rôle le cinéma peut-il avoir dans la construction ou la déconstruction de ces récits ?
Le cinéma est un mythe, un artifice, et la manière dont nous racontons les histoires façonne notre conscience. Buffalo Bill en est l’exemple parfait : il a créé cette légende du Far West, même avant l’invention du cinéma [son spectacle le Buffalo Bill’s Wild West a été créé en 1882, le cinématographe des Frères Lumières en 1896, ndlr]. C’est lui qui a semé cette représentation de l’Ouest Américain dans l’esprit des Italiens et c’est ce qui a donné naissance au « western spaghetti » [expression désignant des westerns produits en Italie. Parmi les plus connus, Le Bon, la Brute et le Truand (1966) et Il était une fois dans l’Ouest (1968) de Sergio Leone, ndlr]. Jusqu’à présent, je ne comprenais pas pourquoi les Italiens avaient commencé à faire des westerns. Mais une fois qu’on connaît l’histoire de Buffalo Bill en Italie, tout s’éclaire.
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Le cinéma contemporain doit-il corriger ces mythes ?
Cela fait surtout partie de l’évolution humaine. Pendant très longtemps, nous avons raconté des récits sur ce qui s’est passé avec les peuples Autochtones et les soldats qui les ont attaqués [au XIXème siècle, aux États-Unis, lors de la Conquête de l’Ouest ndlr]. Ces récits ont souvent trahi la vérité, et ce mythe a déshonoré les peuples natifs. Avec le temps, en évoluant, on comprend ce qui est vrai et juste, et on tente de réécrire ces histoires. Ce que Pile ou Face ? fait magnifiquement. Il détourne le mythe du Far West pour raconter l’émancipation d’une femme [en parallèle du périple de Buffalo Bill en Italie, le film suit l’histoire de Rosa (Nadia Tereszkiewicz) qui cherche à fuir vers l’Amérique, persuadée, après avoir vu le spectacle de l’ex-cowboy, qu’elle trouvera la bas la liberté, ndlr].
Quelle est la première image qui vous est venue à la lecture du scénario de ce film ?
L’image iconique de Buffalo Bill : à cheval, lors d’un de ses spectacles, entouré d’autochtones d’Amérique en tenue traditionnelle. Je me suis aussi rapidement senti investi d’une certaine responsabilité envers les Américains. On est à un moment dans l’histoire du monde où il me semble bon pour les Américains de se souvenir de la noblesse de la démocratie.
En 2024, vous avez créé le spectacle de vaudeville, Mister Romantic, dans lequel vous jouez, chantez, dansez. Comment est né ce projet ?
Le monde d’aujourd’hui manque cruellement d’empathie. Il y a beaucoup de conflits, de polarisations et je ne pense pas que les gens s’intéressent vraiment aux opinions politiques des acteurs. Tout le monde est libre de donner son avis, bien sûr, mais je ne sais pas si ça change grand chose en soi. Alors je me suis demandé ce que je pouvais faire pour vraiment susciter l’amour et l’empathie chez les gens. C’est comme ça que j’ai créé ce spectacle de cabaret et ce personnage imaginaire. C’était ma façon à moi de répondre à ce monde très dur.

Mister Romantic est-il votre alter ego ?
Absolument. Ce clown de music-hall plein d’espoir me ressemble pas mal, et il est finalement très proche d’ailleurs de mon personnage de Mister Cellophane dans Chicago [de Rob Marshall, sorti en 2002, ndlr]. Dans Mister Romantic je sors d’une malle, je vais à la rencontre du public, et je chante des chansons d’amour, que j’ai ensuite regroupé dans un album [What’s Not to Love ?, à paraître le 13 juin chez Modular Records, ndlr]. Et comme Buffalo Bill qui emmenait son Wild West Show à travers l’Europe, j’aimerais faire voyager Mister Romantic à Paris, à Dublin, à Londres… Partout où je le pourrais !
L’art est-il le meilleur moyen de diffuser l’empathie ?
L’art est un moyen formidable de le faire, mais en réalité, les interactions humaines le sont tout autant. Le simple fait de laisser traverser quelqu’un quand on est en voiture. C’est un petit geste, mais qui à la personne : « Un inconnu se soucie de moi, de ma sécurité ». Si chacun faisait cet effort, à chaque interaction, de voir l’humanité de l’autre et d’agir avec gentillesse, alors le monde changerait réellement.
Vous faites de la musique, du spectacle vivant, au cinéma vous passez facilement d’un genre à l’autre. Qu’est-ce qui guide vos choix de projets ?
Je dirais la variété. Ce que j’aime dans ma carrière, c’est qu’on ne m’a jamais enfermé dans un seul type de rôle. Le public a toujours accepté que je sois un tas de choses différentes. Les stéréotypes sur les acteurs, ce ne sont pas seulement les studios qui les imposent. C’est aussi le public. Je suis extrêmement reconnaissant envers les spectateurs d’avoir toujours été ouverts à ce que je propose. Ma carrière est un grand écart permanent, mais c’est ce que j’aime.
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