
Qu’est-ce qui vous est venu à l’esprit, la première fois que vous avez lu le scénario du film ?
Harry Melling : Harry [Lighton, le réalisateur, ndlr] m’a directement envoyé le scénario, que j’ai trouvé incroyablement abouti. Parfois, on est séduit par l’idée ou le fantasme d’un scénario mais on sent qu’il n’est pas encore prêt à être tourné. Mais dans ce cas-ci, tout était clair. J’avais très envie d’explorer cette sous-culture que je n’avais jamais vue à l’écran.
Alexander Skarsgård : J’ai reçu le scénario via mon agent, comme ça se fait souvent : on reçoit une tonne d’emails avec différents scripts attachés, ainsi qu’un court synopsis. Rien qu’en lisant le titre et le synopsis, beaucoup de projets se ressemblent et je me dis : « Ok, j’ai déjà vu ce film 50 fois. » Mais pour Pillion, c’était un truc du genre : « Un jeune homme fleur bleu inexpérimenté s’embarque dans un gang de bikers. » Une comédie romantique avec des motards gays BDSM, portée par un tout jeune cinéaste, c’était déjà une promesse fascinante. Et quand j’ai lu le scénario, j’en eu encore davantage envie de travailler avec Harry.
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C’est un film qui joue beaucoup sur les stéréotypes liés à la masculinité, au couple… en tant qu’acteurs, à quel point cette idée-là vous a séduits ?
A. S. : Quand j’ai entendu parler de motards « kinky » BDSM et du film comme l’adaptation d’un roman des années 1970 [Box Hill d’Adam Mars Jones, ndrl], j’ai imaginé des bikers old school à la Paul Newman ou Marlon Brando. Mais Harry m’a tout de suite arrêté ; je pensais au fétichisme de Scorpio Rising [court métrage signé par Kenneth Anger en 1963, ndlr], lui pas du tout ! Ça m’a plu. Et puis le film subvertit les stéréotypes avec beaucoup d’intelligence, de subtilité. Certains aspects de la relation entre Ray et Colin évoquent les tropes les plus classiques de la romcom, finalement. C’est le monde autour qui est moins familier, sans jamais qu’il soit dépeint artificiellement. Harry aurait pu l’approcher soit de manière trop sarcastique, soit de manière trop volontairement provocatrice. Il n’est tombé dans aucun de ces deux pièges.
Comment Harry vous a-t-il introduit à l’univers des bikers queer adeptes du BDSM ?
A. S. : Harry est un acteur bien plus sérieux que moi ; il fait des recherches !
H. M. : J’ai rencontré tôt des bikers, avec qui j’ai fait le trajet Londres-Cambridge en moto ; ils appelaient ça mon pèlerinage ! Pour la première fois, j’étais assis sur la banquette arrière [« pillion » en anglais, ndlr] d’une moto et c’était terrifiant, car je devais absolument coordonner mes mouvements à celui du pilote dans les virages. On pense à tort que les bikers sont farouches, inaccessibles, alors qu’ils ont tout de suite partagé des histoires très intimes avec moi.
A. S. : Sur le tournage, la plupart de nos coéquipiers bikers, qui sont dans le film, faisaient partie du club GBMCC [Gay Bikers Motorcycle Club, le plus grand d’Europe, ndlr], un club queer dont certains membres seulement s’adonnent aux pratiques BDSM.

Le film nécessitait aussi une vraie connexion physique entre vous deux. Comment s’est-elle mise en place ?
A. S. : Tout est question de confiance, mais aussi de coordination ; il faut s’assurer qu’on va chacun dans la même direction. On la trouve plus ou moins rapidement, pas vrai Harry ? (Rires.) Notre première rencontre, c’était pour répéter la scène de lutte du film [dans cette scène, les deux héros luttent et s’étreignent dans des justaucorps très suggestifs, ndlr]. On nous a tout de suite fait enfiler nos costumes – c’était une manière de briser la glace, un pari risqué !
H. M. : J’ai tellement adoré jouer Colin ! C’est assez rare de s’identifier autant à son personnage, de s’émouvoir de chacune de ses métamorphoses entre chaque scène. Chaque jour était un challenge, sur un rythme lancinant et donc forcément excitant.
A.S. : Il est tout aussi rare que j’attende à ce point l’un de mes films sur grand écran. C’est très différent de tout ce que j’ai fait jusqu’ici. Les gens aimeront ou détesteront, c’est selon, mais pour ma part je l’aime profondément. Il n’y a rien d’équivalent.
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