
Jafar Panahi était emprisonné en Iran pour « propagande contre le régime » au moment où sortait en France Aucun ours, docu-fiction dans lequel il jouait son propre rôle. Désormais libre, le cinéaste quitte ici les dispositifs de mise en abyme narrative pour signer un thriller ultra tendu en immersion dans la société iranienne contemporaine, qui prend la forme d’un sidérant pamphlet, tourné clandestinement.
Le récit est frontal : un citoyen iranien ordinaire, Vahid, pense reconnaître l’agent du gouvernement qui l’a interrogé quand il était détenu dans une prison du régime. Vahid kidnappe ce père de famille et le retient dans sa fourgonnette avant de le présenter à plusieurs autres anciennes victimes – hommes comme femmes – dans l’espoir d’identifier formellement ce suspect. C’est là que tout se complique, car ces personnages n’ont pas tous la même approche morale ni les mêmes projets pour leur présumé bourreau.
Se déroulant quasiment en temps réel, Un simple accident confère à sa narration une tonalité d’abord triviale, voire comique (la petite troupe va se heurter à des obstacles absurdes, comme le paiement de pots-de-vin en carte bleue), avant de dévoiler la colossale ampleur de sa fable politique. La puissance du film s’accentue dans un dernier quart d’heure asphyxiant qui pousse les protagonistes à opérer un véritable choix éthique qui ne sera pas sans conséquence. Le cinéaste, en état de grâce, s’autorise ensuite un épilogue d’une précision millimétrée, qui transforme définitivement cet estomaquant réquisitoire en chef-d’œuvre sensitif et entêtant.