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Cannes 2023 : Une journée avec ... Iris Kaltenbäck
- Joséphine Leroy
- 2023-06-12
Une première fois à Cannes, ça ressemble à quoi ? Pour le savoir, on a suivi Iris Kaltenbäck le jour de la présentation de son beau premier long métrage « Le Ravissement » à la Semaine de la critique (le film a reçu le prix SACD à l’issue de la compétition). Derrière la vitrine, le luxe majestueux, on a découvert que Cannes, ça pouvait aussi être des sprints sous une pluie qui éclabousse les vêtements chics. Récit, heure par heure, d’une journée cannoise fatidique.
Une première fois à Cannes, ça ressemble à quoi ? Pour le savoir, on a suivi Iris Kaltenbäck le jour de la présentation de son beau premier long métrage Le Ravissement à la Semaine de la critique (le film a reçu le prix SACD à l’issue de la compétition). Derrière la vitrine, le luxe majestueux, on a découvert que Cannes, ça pouvait aussi être des sprints sous une pluie qui éclabousse les vêtements chics. Récit, heure par heure, d’une journée cannoise fatidique.
9h30
On était sur le pied de guerre, en surplomb de la plage Nespresso – l’une des plages qui accueillent pendant le Festival les équipes de films et la presse –, quand on a vu la cinéaste descendre d’une belle voiture noire, en tenue chic, satinée. Pas le temps de niaiser : en un peu plus d’une heure, elle doit enchaîner interviews filmées et séances photo, dans une ambiance à la fois bon enfant (car qui dit ciel pluvieux, dit photographes heureux) et électrique, entre flashs qui crépitent dans tous les sens et questions de journalistes qui fusent. « J’ai plutôt l’habitude d’être derrière la caméra, donc pas facile de se retrouver tout à coup devant. En même temps, ce qui est intéressant, c’est que j’apprends vachement de choses du métier de comédien, de l’exposition que c’est, de la fragilité dans laquelle ça met », nous confie-t-elle entre deux shootings. Déjà en retard sur le programme, Iris Kaltenbäck et sa productrice Alice Bloch partent en courant – la pluie éclaboussant bien fort leurs chaussures et le bas de leurs pantalons – vers le Miramar, l’espace dédié à la projection des films de la Semaine, pour les derniers tests techniques qui précédent la première projection du Ravissement.
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Lire la critique10H45
Elles se faufilent à leurs places dans le noir. Nous, on est juste derrière un des membres de l’équipe, qui glisse que « c’est pas si dégueulasse » : un euphémisme, car tout le monde semble plutôt rassuré du résultat sur grand écran. Dans la salle se trouvent notamment le monteur, la chef opératrice, tous ces membres de l’équipe qui portent aussi le film, mais dans l’ombre. Ici, dans ce cocon, chacun a son mot à dire. « C’est un moment très angoissant, parce qu’on a toujours le fantasme que le DCP [le Digital Cinema Package, soit le support de projection numérique qui remplace la bobine de pellicule dans les salles équipées pour le numérique, ndlr] ne marche pas – ça, c’est l’angoisse suprême. Et en même temps c’est un moment génial de communion, et c’est aussi le calme avant la tempête », résume Alice Bloch.
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La tempête est attendue avec la toute première projection du film, au même Espace Miramar. Mais le ciel s’éclaircit très vite quand la cinéaste voit la salle se remplir complètement. Elle confesse, émue : « Je lâche mon film, qui ne m’appartient plus. » Avant une nouvelle salve d’interviews, l’heure du déjeuner et des premiers débriefs arrive.
12H-16H
On s’éclipse un moment (avec notre trépied, on est un peu envahissants), avant de revenir pour saisir l’ambiance après
les premiers retours de la presse – très bons. On retrouve donc ce beau monde sur un toit-terrasse. Toute l’équipe est dispatchée – dans un coin, Hafsia Herzi et Alexis Manenti, les acteurs, rigolent ; dans un autre, Iris s’entretient avec une journaliste sur un canapé. Comme dans une bulle, avec vue sur mer. Autour de la table du déjeuner, on voit Alice Bloch. « Je regarde mon téléphone toutes les deux minutes pour voir ce qui tombe, ce qui ne tombe pas. » Elle suit la situation de très près, un peu comme si elle était une conseillère politique qui actualisait les résultats d’une élection dans un QG. On a demandé à Iris Kaltenbäck – sa candidate – comment elle percevait les premiers retours de la presse : « C’est passionnant de voir comment
le regard du ou de la journaliste teinte complètement le film. » « Parfois, il y a des choses qu’on n’a pas nous-mêmes vues », renchérit Alice Bloch, qui vit ce moment comme un « jeu ». Un jeu qui dure donc près de quatre heures, après quoi l’équipe doit très brièvement passer à l’hôtel pour un changement/rafraîchissement rapide, avant de se rediriger vers le Miramar.
16H40
Après un bref rendez-vous avec Ava Cahen, la déléguée générale de la Semaine de la critique, à l’Espace Miramar, la cinéaste se prête à nouveau au jeu du shooting photo et des « photocalls » – ces séances qui réunissent des membres de l’équipe dans un décor. Comme depuis le matin, Iris Kaltenbäck la joue naturel – elle ne s’est d’ailleurs pas changée, là où des vedettes aguerries du tapis rouge auraient probablement affiché trois ou quatre différents outfits au fil de la journée. L’heure fatidique approche : celle de la projection dite « officielle » (qui, contrairement à celle du matin, réunit non seulement la presse mais aussi les partenaires, les proches, le marché du film).
17H-18H37
Salle comble, encore, pour cette deuxième projection. Cette fois, Iris et son équipe restent sur place pour voir le film – ils occupent tout un rang. Pendant ce temps (on a déjà vu le film), on s’est baladés, et on a découvert l’existence d’une salle mitoyenne dans laquelle se cachent les attachés de presse (qui font de la veille, toujours au taquet). Deux secondes avant le générique de fin, on franchit la porte secrète qui mène vers la salle. Au centre du rang, la cinéaste, très émue, est applaudie avec beaucoup d’engouement (et pendant un assez long moment) par les spectateurs. Pas de pleurs, mais beaucoup de câlins entre elle et son équipe. Beaucoup de soulagement aussi, on le sent. À la sortie, ça grouille encore de gens, mais tout le monde paraît beaucoup plus serein, car ils vivent pour la première fois un moment de partage, de connexion directe avec les spectateurs, sans intermédiaire. « C’est assez amusant de découvrir un lieu en vrai, alors qu’on l’a vu plein de fois à la télé. D’un coup, c’est complètement autre chose dans le réel. Et, en même temps, c’est ça qui est bien. Ça permet aussi de désacraliser les choses et de savoir où est l’essentiel », nous confie la cinéaste. Dans la foulée, la Semaine de la critique organise une soirée dans un gymnase, avec un décor de bal de promo et une ambiance très teen movie. Un retour à l’insouciance – comme un ravissement au réel – plus que bienvenu pour relâcher la pression de cette intense première fois.
Portrait : Julien Liénard