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Avec « Less Is Moor », Zebra Katz signe un album noir et provocant

  • Etaïnn Zwer et Michaël Patin
  • 2020-02-19

Depuis le succès de son hit slo-mo «Ima Read», hymne officieux de la Paris Fashion Week 2012, Zebra «fucking» Katz a fait ses griffes ici et là et livre enfin un premier album à son image: minimaliste, noir très noir, provocant, et vicieusement hypnotique. Tutoyer l’art et la mode, bricoler des mixtapes aux beats lancinants, multiplier les featurings – de Busta Rhymes à Gorillaz –, troquer New York pour Berlin, attendre l’amour : Ojay Morgan (de son vrai nom) aime expérimenter et prendre son temps. Écho à sa performance Moor Contradictions qui clôturait son cursus en art (2007) tout en ouvrant la voix à son alter ego félin, Less Is Moor sonne donc comme une réintroduction. «Entre rage et luxure» (la pensée de James Baldwin d’un côté, l’extatique « Lick It N Split » de l’autre), leçon de style et d’ironie, c’est autant un portrait de l’artiste en «sick sadistic fucking twisted bitch» qu’une critique «affective» du monde tel qu’il va. «J’ai amorcé cet album maintes fois avant de réaliser que je ne pouvais pas forcer les choses et que, en lâchant prise, ça se faisait sans effort. Le titre s’en inspire. On donne systématiquement moins aux Noirs et aux autres groupes marginalisés et on attend d’eux qu’ils fassent plus. Less Is Moor saisit doublement cette dynamique. Revendiquer ce “moins”, c’est aussi un manifeste radical, à une époque qui glorifie l’excès.» Pour «reprendre possession de son histoire» contre «la fabrique américaine du cool qui réduit les identités à des produits», Zebra « Moor » – du grec mauros, « sombre », « nègre » – effeuille sa noirceur (dark) et son être-Noir (black), dans une geste queer rebelle, frontale, freestyle (« Zad Drumz »), qui refuse toutes les étiquettes (haro sur le queer rap), et fait flow de tout bois – voir la menace ballroom « In In In », le compte à rebours spatial de « Monitor », le féroce « Been Known » et les guitares mellow de l’insolite « Necklace ». Figure libre et charismatique, Zebra Katz poursuit «une musique kinky qui ne se conforme à aucun genre» pour éreinter le politique et le dancefloor. C’est überhot. More, more, more. • ETAÏNN ZWER

Zebra Katz : « Less Is Moor » (AWAL)

SI TON ALBUM ÉTAIT UN FILM ?

« Imagine un stoner movie terrifiant qui se passe en l’an 4000 sur la planète Moor, la planète noire la plus proche du Soleil. Réalisé par Hype Williams, Spike Lee, Barry Jenkins et Ava DuVernay. Morgan Freeman joue Dieu, Samuel L. Jackson, le diable, et Wesley Snipes, l’homme ; et la compagnie Alvin Ailey danse. Costumes : la maison Telfar et Dapper Dan. Décor : les artistes Kehinde Wiley et Kara Walker. B.O. : signée Moor Mother et moi-même. On tournerait dans les studios Tyler Perry à Atlanta, et j’engagerais un casting et une équipe entièrement noirs. » ZEBRA KATZ

JUKE-BOX

ARANDEL

: « InBach » (InFiné)

Arandel revisite ici les œuvres de Bach avec les instruments, souvent atypiques, du musée de la Musique de Paris. Mariant contrepoints rigoureux et textures électroniques, interprétant la liturgie baroque à sa manière – moderne, profane et sensuelle –, il jongle avec les références (de Wendy Carlos à Richard Grayson) en compagnie de ses invités (Gaspar Claus, Barbara Carlotti, Areski, Petra Haden…) et célèbre, avec respect et inventivité, la grâce intemporelle de cette musique. • W. P.

 

JULIEN GASC

: « L’Appel de la forêt » (Born Bad)

Le claviériste et chanteur d’Aquaserge sort un troisième album solo plein d’amour, «le principe à suivre, surtout en ces temps tristes, de misère sociale » (« La Trêve internationale »). Sa voix blanche et douce, encadrée par celle flûtée et précise de Catherine Hershey, et par les groove subtils d’une batterie mariée à un piano, chante le sentiment amoureux comme un acte politique (« Giles and Jones »), sur un album plein de chœurs amis et de cœur battant. • W. P.

 

GRIMES

: « Miss Anthropocene » (4AD)

Grimes mute en une identité virtuelle (elle incarne Lizzy Wizzy dans le jeu vidéo Cyberpunk 2077), se présentant ici en Miss Anthropocene, donc en pur produit (ou victime) de l’activité humaine. Synthétisant les influences médiévales, l’EDM la plus tapageuse (Skrillex) et les mélodies pop FM nimbées d’une réverbération de cathédrale, sa musique semble, comme elle, « augmentée » et transhumaine. • W. P.

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