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Solal Bouloudnine : « Je suis un fan absolu de Michel Berger. C’est un artiste qui raconte toute sa vie sans filtre »

  • Belinda Mathieu
  • 2022-01-18

Comédien au potentiel comique détonant, Solal Bouloudnine dévoile « Seras-tu là ? », un solo touchant qui mêle autobiographie et fiction à travers une galerie de personnages délirants. On a voulu en savoir plus sur ce trentenaire à l’aura rayonnante, qui raconte une décennie 1990 bercée de naïveté, avant l’arrivée massive d’Internet.

Attablé à la terrasse du Zéphir, à quelques pas du métro Jourdain, Solal Bouloudnine écourte son appel lorsque je m’avance vers lui. Emmitouflé dans sa doudoune, écharpe autour du cou, bonnet rose pâle sur la tête, il roule sa clope et me lance « Tu as du feu ? » en me fixant de ses yeux noirs rieurs. L’air plutôt à l’aise, ce grand brun à la bouille de mioche étonné parle à toute allure, au même rythme effréné que dans son seul en scène détonnant Seras-tu là ?

Dans ce premier spectacle, dont le titre fait référence à la chanson de Michel Berger, il déplie une intrigue très personnelle à travers une galerie de personnages palpitante, le tout joué dans un décor calqué sur une chambre d’enfant des années 1990. On a beaucoup ri, on a pleuré aussi, devant ce journal intime à l’honnêteté poignante, dans lequel s’entrecroisent autobiographie, fiction, angoisses existentielles et nostalgie d’une époque.

FRÉQUENCE NOSTALGIE

« Au début des années 1990, il y avait plein d’émissions avec des vrais sketchs, de Pierre Palmade, d’Élie Kakou, des Inconnus, des Nuls… C’est ce qui m’a donné envie de faire du théâtre », confie Solal Bouloudnine. Déjà accro à la comédie tout gamin, ce gars de Marseille – qui vit désormais à Paris – fait ses premiers pas sur les planches d’un théâtre pour jeune public à 6 ans. À la maison, il n’arrête pas de faire le clown, si bien que famille et amis ne cessent de lui réclamer des imitations de ses parents. On les retrouve d’ailleurs en personnages cocasses et touchants dans Seras-tu là ? à travers un stéréotype de la mère juive aussi inquiète qu’envahissante et un père chirurgien à la gouaille digne des films de gangsters qui ressuscite une époque révolue où l’on clopait en salle d’opération. « Mes parents sont très charismatiques mais, évidemment, c’est exagéré dans la pièce ! Ça me plaît que l’amour que j’ai pour eux les transforme en personnages romanesques », confie Solal Bouloudnine.

En grandissant, sa passion pour le théâtre ne le quitte pas. Il fait ses armes à l’école régionale d’acteurs de Cannes, où il rencontre Maxime Mikolajczak et Olivier Veillon, deux amis qui partagent cette nostalgie des années 1990 et avec qui il a coécrit et mis en scène ce premier spectacle. « Maxime a eu cette idée de recréer une chambre d’enfant de l’époque, pleine d’autocollants et de jouets. Mais on s’est aussi inspirés de pleins de films de notre enfance », raconte le comédien. La structure de la pièce, qui commence par la fin et termine par le début, rappelle par exemple les intrigues de films dont ils sont fans comme Retour vers le futur de Robert Zemeckis ou Mulholland Drive de David Lynch.

Après sa formation, Bouloudnine intègre le centre dramatique régional de Tours, puis collabore avec la metteuse en scène engagée Alexandra Tobelaim, joue avec la célèbre troupe férue d’impro des Chiens de Navarre, s’essaye au théâtre expérimental avec l’Institut des recherches menant à rien et se fait plus récemment remarquer dans la trilogie Des Territoires (2021) de Baptiste Amann. Un joli parcours, durant lequel il se forge une identité comique qui lui colle à la peau.

FIGURE TUTÉLAIRE

Pourtant, c’est de mort dont il nous parle dans Seras-tu là ? Solal Bouloudnine déboule sur scène en sueur, couvert de terre battue, déguisé en tennisman. Une référence au décès de Michel Berger le 2 août 1992, qui a succombé à une crise cardiaque après une partie de tennis dans sa villa de Ramatuelle, dans le sud de la France. Le même village où le comédien passait ses vacances quand il était môme. Cet événement tragique a été sa première prise de conscience de la mort et le début de son angoisse de la fin. Une peur qui est le fil rouge de son spectacle, mais pas que. « “Seras-tu là ?” est une des plus belles chansons du monde, confie-t-il. Je suis un fan absolu de Michel Berger. C’est un artiste qui raconte toute sa vie sans filtre, et il a ce don de dire beaucoup avec très peu. Je voulais que la pièce soit à l’image de ses textes, à la fois sincère et universelle. »

Un pari réussi, dans lequel il n’hésite pas à se donner à 100 %, en y mettant son cœur et ses tripes – parfois de manière très littérale en évoquant maladies gastriques et cardio-vasculaires. Et dans cette pièce aux allures chaotiques se dessinent au fur et à mesure les contours d’un terrain de jeu où le comédien s’amuse comme un fou. Une régression jouissive, qui le voit abuser des accessoires, costumes, perruques pour interpréter ses personnages grotesques. « Au théâtre, on veut souvent aller vers quelque chose de naturaliste. Je voulais prendre le contre-pied de cette tendance et en mettre toujours plus. C’est ça qui me fait plaisir ! » finit le comédien. Cette joie communicative nous fait retomber en enfance, à une époque bercée d’insouciance qui contraste avec notre époque incertaine.

du 19 au 29 janvier au Monfort théâtre

Images (c) Marie Charbonnier/ Famille Bouloudnine

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