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« Un Crime dans la tête » de John Frankenheimer 

  • Michaël Patin
  • 2020-02-18

C’est l’histoire d’une patrouille américaine, enlevée par les communistes pendant la guerre de Corée et soumise à un lavage de cerveau afin de programmer l’un de ses membres, le sergent Raymond Shaw (Laurence Harvey), à tuer sur commande. De retour au bercail, son supérieur, le capitaine Bennett Marco (Frank Sinatra), est hanté par le cauchemar de l’opération qu’ils ont subie et mène son enquête, malgré l’incrédulité de sa hiérarchie. Dans un monde qui carbure au mensonge, la vérité est à chercher dans l’hallucination – et quoi de mieux que le cinéma pour y parvenir ?

Ainsi, John Frankenheimer choisit la scène du rêve de Marco pour son premier exploit de mise en scène : un long travelling à 360 degrés nous montre les membres de la patrouille, assis en silence, assistant à un colloque sur la culture des hortensias, devant un parterre de bourgeoises endimanchées ; mais lorsque la caméra revient sur l’estrade, à la fin de celui-ci, c’est un Chinois qui occupe la chaise de la conférencière, le décor floral a laissé place à des portraits géants de Staline et Mao, et les spectatrices se sont changées en militaires et en apparatchiks. «Permettez-moi de vous présenter nos visiteurs américains. Je vous demande d’excuser leur comportement apathique, mais je les ai conditionnés, ou plutôt leur cerveau a été lavé. C’est la nouvelle expression américaine.»

S’ensuit un fascinant jeu d’escamotages et de substitutions, d’un plan à l’autre, entre les deux niveaux du cauchemar, qui, faisant mine de nous livrer les clés du récit (donc de désamorcer le suspense), ne fait qu’augmenter notre confusion. Car cet aréopage de cocos est aussi caricatural, sinon plus, que celui des mémères horticultrices, et ne peut dès lors correspondre qu’à une autre illusion, beaucoup plus vaste : celle de la « peur rouge » qui gangrène alors l’Amérique. C’est toute la subtilité de cette satire du maccarthysme, qui dénonçait l’instrumentalisation de l’anticommunisme, prophétisait l’assassinat de Kennedy avec un an d’avance (la scène finale) et allait servir de référence à tous les thrillers paranoïaques des années 1970. MICHAËL PATIN

Coffret 2 DVD « “Le Temps du châtiment” / “Un Crime dans la tête” : deux grands films noirs signés John Frankenheimer » (Rimini Éditions), sortie le 18 février 

 

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