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« A Touch Of Zen » de King Hu
- Michaël Patin
- 2020-06-10
Des rebelles traqués par un cruel eunuque, un artiste naïf qui devient stratège, des moines bouddhistes aux pouvoirs colossaux… La grande œuvre chorégraphique de King Hu est à voir en ce moment sur ARTE.
Sorti à Taïwan et Hong Kong dans des versions tronquées, puis sélectionné au Festival de Cannes en 1975, où il remporta le Grand prix de la commission supérieure technique, A Touch of Zen reste le meilleur outil pour convertir les cinéphiles réticents au génie du wu xia pian (film de sabre chinois). Dans cette longue fable morale sur la (non-)violence, la caméra de King Hu virevolte comme le pinceau d’un calligraphe à travers de sublimes décors ruraux, dévoilant peu à peu les mystères de ses personnages lors d’affrontements où la voltige prime sur la brutalité.
Dans cette œuvre de pur cinéma, le sens et l’émotion sont indissociables de la forme, et des épisodes du récit supposés mineurs peuvent se changer en sommets (choré)graphiques à portée spirituelle. C’est le cas du célèbre combat dans une forêt de bambous logé en plein cœur du film. « On ne pourra pas les battre », estime l’un des rebelles alors qu’ils épient leurs poursuivants. « On les prendra un par un », répond son compagnon stratège (Chun Shih).
S’ensuit un ballet d’apparitions et de disparitions, d’évitements et de heurts, qui oppose la verticalité des lignes végétales aux mouvements horizontaux des corps, des flèches et des épées. Après quelques passes basées sur la ruse, le temps se fige en un plan magistralement composé dans lequel se met en place un double duel parallèle. Puis, alors que les gardes commencent à débiter les bambous pour blesser nos héros, ceux-ci combinent leurs forces pour occuper à la fois la terre et le ciel grâce à une technique de projection irréaliste. King Hu imprime ainsi sur la pellicule une analogie unique entre kung-fu et cinéma, grâce à sa seule virtuosité d’illusionniste.
Pour voir le film, cliquez sur le lecteur ci-dessous.