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PORTFOLIO · Arles en mode cinéma

  • Copélia Mainardi
  • 2023-07-20

Chaques été, aux Rencontres d’Arles, une flopée d’expositions photographiques se déploient sur une vingtaine de lieux. Bonne nouvelle pour les cinéphiles que nous sommes : la cinquante-quatrième édition, qui se poursuit jusqu’au 24 septembre, met à l’honneur les multiples croisements entre photographie et cinéma. On peut ainsi s’émerveiller devant les clichés réalisés par de grands cinéastes comme Agnès Varda ou Wim Wenders, ou plonger dans les archives émouvantes dont s’est inspiré Sébastien Lifshitz pour tourner son documentaire Casa Susanna, diffusé sur Arte jusqu’en octobre. On peut aussi admirer les images vibrantes de Gregory Crewdson, qu’on jurerait tirées d’un film, et visiter les plateaux des tournages de Jacques Rivette, Georges Franju ou François Truffaut grâce aux photographies prises par Pierre Zucca… Morceaux choisis.

Deux fois Varda

Deux expos arlésiennes mettent à l’honneur la cinéaste, photographe et plasticienne Agnès Varda, l’une des pionnières de la Nouvelle Vague. L’exposition « La Pointe courte, des photographies au film » dévoile ses images de Sète, ville à laquelle elle vouait un attachement particulier. On peut notamment y voir des photos du quartier populaire de l’étang de Thau, où sera tourné son premier film, en 1954, des planches-contacts lui ayant servi de support et d’inspiration pour passer à la réalisation. Une seconde exposition part des archives de Hans Ulrich Obrist, historien et critique d’art, qui a introduit Varda dans le milieu de l’art contemporain. Cette sélection de documents s’attarde donc sur une dimension moins connue de l’œuvre de Varda, sa vie d’artiste visuelle : affiches, montages, citations griffonnées sur un Post-it, croquis de Hans Ulrich Obrist…

Agnès Varda, Filets de pêche à la Pointe courte, 1953 (Avec l’aimable autorisation de la Succession Agnès Varda)

Agnès Varda, Jouteurs à Sète, 1952 (Avec l’aimable autorisation de la Succession Agnès Varda / Collection Rosalie Varda)

L’ami Polaroid

Dans l’exposition « Mes amis Polaroid », le cinéaste allemand Wim Wenders raconte combien ce précieux appareil photo instantané l’accompagnait durant ses tournages, en était la mémoire, permettant d’assurer la continuité du script à travers les différentes scènes. Lieux, acteurs, répétitions, les prises finissaient épinglées au mur du bureau de production, détaille-t-il. Jusqu’à investir le scénario lui-même. Dans son film L’Ami américain, sorti en 1977, le héros joué par Dennis Hopper se sert d’un Polaroid. Objectif braqué sur lui, il réalise à l’aveugle une série d’autoportraits… Bien avant l’ère du selfie.

Wim Wenders, L’Ami américain en personne (Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Fondation Wim Wenders)

Wim Wenders, Dans l’abîme sous la rivière Elbe (Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Fondation Wim Wenders)

La fabrique des images

Découper et assembler images, timbres, cartes postales, dessins, coupures de presse… Le scrapbooking, pratique de collage au croisement de l’album photo, du journal intime et du cahier d’inspirations, offre de multiples possibilités créatives. De nombreux cinéastes s’y sont essayés : Derek Jarman, Jim Jarmusch, Chris Marker, Pedro Costa, Stanley Kubrick, Bertrand Mandico… L’exposition « Scrapbooks, dans l’imaginaire des cinéastes » rassemble certaines de ces œuvres fascinantes. Un voyage dans l’autofiction et dans les coulisses de la création, où le cinéma se lit partout en creux, et qu’on prolonge avec délice grâce à un beau livre publié pour l’occasion.

Pedro Costa, Caderno Casa de lava (Photos de Pedro Costa et du film de Georges Franju Les Yeux sans visage [1960])

Bertrand Mandico, Deux bombes accueillent l’homme, 2014 (Avec l’aimable autorisation de l’artiste)

Comme au cinéma

Trente ans déjà que Gregory Crewdson s’emploie à brosser le portrait d’une Amérique sans gloire, celle de classes moyennes aspirant à un american dream qui tourne à vide. L’exposition « Eveningside » est le résultat de dix ans de travail. Lumières pâles, rues désertées, ambiances crépusculaires : ses images oniriques, sublimes, déploient une puissance narrative très cinématographique. Deux séries, « Cathedral of the Pines » et « An Eclipse of Moths », permettent une percée dans l’intimité de l’artiste : il y photographie des lieux liés à sa vie et à celle de sa famille.

Gregory Crewdson, Starkfield Lane, 2018- 2019 (Avec l’aimable autorisation de l’artiste)

Gregory Crewdson, Morningside Home for Women, 2021-2022 (Avec l’aimable autorisation de l’artiste)

En lieu sûr

C’est une collection amateure de plus de trois cents photographies découverte par deux antiquaires en 2004 qui dévoile l’histoire inédite d’une communauté de travestis, dans l’Amérique des années 1950-1960. Des pères de famille ordinaires de la classe moyenne blanche américaine se réunissaient en secret à la « Casa Susanna » pour se travestir en femmes au foyer tout aussi respectables. Soixante ans plus tard, le réalisateur Sébastien Lifshitz a retrouvé deux membres de cette communauté clandestine, Kate et Diana, qui racontent devant la caméra combien ce lieu d’affranchissement a changé leur vie. Cachée dans un havre montagneux de l’État de New York, ce domaine était l’endroit safe où ce réseau clandestin (premier réseau transgenre de l’histoire queer de l’Amérique !) pouvait échapper au climat puritain de l’époque. L’exposition du même nom révèle combien la photo y tenait lieu de rituel, permettant la construction d’une identité de genre à la fois personnelle et collective.

Anonyme, Susanna à côté de l’enseigne Casa Susanna, 1964-1968 (Collection Art Gallery of Ontario, Toronto. Grâce aux généreux dons de Martha LA McCain, 2015. © AGO)

Anonyme, Photo Shoot avec Lili, Wilma, et des ami·e·s, Casa Susanna, 1964-1967 (Collection Art Gallery of Ontario, Toronto. Grâce aux généreux dons de Martha LA McCain, 2015. © AGO

Instantanés de tournages

Comment réhabiliter la photographie de plateau, grande absente des histoires de la photo et du cinéma ? S’il n’est pas simple de traduire la durée et le mouvement d’un plan en une image, cette pratique demeure un objet de référence artistique et un support de diffusion de la culture essentiel. L’exposition « Théâtre optique » rend hommage à ce genre photographique méconnu, « image matière » à la croisée de la science et de la publicité, retouchée par les agences de presse avant de devenir photo d’exploitation. Le photographe Pierre Zucca s’intéresse ici aux débuts de la photo, ramenant la pose longue sur le devant de la scène, et compose des tableaux qui suspendent le récit des films en question – ceux de Jacques Rivette, de Jean Eustache, de François Truffaut…

Pierre Zucca, Judex de Georges Franju, 1963 (Avec l’aimable autorisation de la Succession Pierre Zucca)

Pierre Zucca, Out 1 de Jacques Rivette, 1970 (Avec l’aimable autorisation de la Succession Pierre Zucca)

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