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À voir sur les plateformes : un grand récit sur l’enfance, un slasher vintage, un film clandestin
- Lily Bloom
- 2023-06-29
Cette semaine, on vous conseille les films de grands cinéastes (Kaouther Ben Hania, Jafar Panahi, Victor Erice) et des pépites pleines d’audace (la série « I’m a Virgo », « X » de Ti West).
Aucun ours de Jafar Panahi (2022)
Prix Spécial du Jury à la Mostra de Venise, le dernier film clandestin de Jafar Panahi est peut-être son plus grand. Mise en abyme de sa vie sous haute surveillance en Iran, il met en scène un réalisateur empêché lui aussi, dirigeant depuis l’Iran son film tourné en Turquie et perdant peu à peu le fil de ce qu’il doit filmer. Malgré l’autodérision et le ton tragicomique, Aucun ours est un film dur, un cri de douleur. Le plan saisissant Jafar Panahi incapable de franchir la ligne invisible qui marque la frontière, de nuit, pour s’enfuir d’Iran, arrache le cœur.
Cannes 2023 à l’heure documentaire
Lire l'articleI’m a Virgo de Boots Riley (série, 2023)
À Oakland, en Californie, berceau des Black Panthers, un géant adolescent de 4 mètres de haut, biberonné à la télévision, va sortir pour la première fois de la maison de sa tante et découvrir le monde, avec son lot d’injustices et de coups de cœur. Tout est réjouissant dans ce conte satirique sur la société de consommation et la question raciale aux États-Unis. Drôle, farfelue, surréaliste, c’est LA série de l’été.
L’Esprit de la ruche de Victor Erice (1973)
Victor Erice est un cinéaste immense et rare (seulement quatre films en 50 ans). Son premier film, L’Esprit de la ruche, est l’un des plus grands films sur l’enfance. Dans l’Espagne rurale hantée par le franquisme, une fillette (Ana Torrent) découvre Frankenstein lors d’une projection itinérante. Ne comprenant pas qu’il s’agit d’une illusion de cinéma, elle développe une fascination pour la créature et décide de partir à sa recherche sur les routes. L’enfant désœuvrée va très vite être confrontée à l’horreur. Ce conte cruel, fantomatique, est une métaphore politique subtile, une réflexion sur le pouvoir du cinéma, mais avant tout un film bouleversant.
La Belle et la Meute de Kaouther Ben Hania (2017)
Lors d'une fête étudiante, une jeune et belle Tunisienne croise le regard d’un garçon. Plus tard dans la nuit, on le retrouve errante dans les rues, brisée, et la caméra ne la quittera plus tandis qu’elle écume les commissariats en quête de justice. Filmé comme un thriller, ce pamphlet militant frappe par sa maitrise et sa radicalité. Les longs plans séquences nous happent littéralement et l'on se heurte avec l'héroïne à la corruption des institutions tunisiennes qui perdurent malgré la révolution de 2011.
X de Ti West (2022)
Sur le papier, X est un slasher doudou pour amoureux de cinéma bis. À la fin des seventies, une équipe de tournage loue une grange isolée au fin fond du Texas pour y réaliser un film porno. Le ranch appartient à un couple de rednecks évangélistes dangereusement décrépis. La rencontre va, bien évidemment, tourner au bain de sang. Dès la séquence d’ouverture, Ti West nous ramène avec un enthousiasme juvénile sur les terres horrifiques de Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse, 1974). Mais bien au-delà de l’hommage vintage, la malice du film est de pervertir les codes puritains usés du slasher pour offrir une variation sensible et politique sur le désir.