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Amia Srinivasan, Évelyne Heyer, Iris Brey : les essais à ne pas manquer ce mois-ci

  • mk2 Institut
  • 2022-10-18

Tous les mois, mk2 Institut sélectionne des essais faisant l’actualité du monde des idées. Des recommandations de lecture sur des questions essentielles, qui animent nos sociétés et parfois les divisent.

Penser le mal de Susan Neiman (Premier Parallèle, 450 p., 26 €)

Un monde dans lequel des innocents souffrent peut-il avoir un sens ? Susan Neiman, dans son essai Penser le Mal. Une autre histoire de la philosophie (Premier Parallèle), retourne aux racines du questionnement philosophique sur le sujet, car, comme elle l’écrit, « le problème du mal est la force directrice de la pensée moderne ». Remarquée en France avec Grandir. Éloge de l’âge adulte à une époque qui nous infantilise, la philosophe américaine, directrice de l’Einstein Forum à Potsdam, en Allemagne, prône une idée de la philosophie à portée universelle, ouverte sur le monde. Depuis Pierre Bayle et Voltaire jusqu’à Hannah Arendt et John Rawls, en passant par Georg W. F. Hegel et Friedrich Nietzsche, l’autrice nous invite à analyser le mal sous toutes ses formes et à étudier ses effets au cœur de notre actualité. Une archéologie magistrale qui interroge aussi notre présent et ses périls qui plombent notre existence.

La Culture de l’inceste sous la direction d’Iris Brey et de Juliet Drouar (Seuil, 208 p., 20 €) 

Une invitation à penser l’inceste non plus comme une exception pathologique, un acte individuel, mais comme culture. Culture d’une pratique inscrite dans la norme parce que tolérée, voire encouragée. Iris Brey et Juliet Drouar proposent un ouvrage qui sort des témoignages et des débats psychanalytiques pour aller sonder le fonds anthropologique et social de l’inceste : interroger nos représentations (dans la culture populaire, la pornographie…) et nos schémas de domination (les adultes sur les enfants, les hommes sur les femmes…). L’ampleur de la dévastation (une personne sur dix est concernée en France) appelait urgemment ce livre, qui rassemble des voix diverses, pour se concentrer sur une seule et unique question : pourquoi ? Un ouvrage vibrant, à vif parfois, qui offre l’amorce d’une réponse politisée et collective.

Iris Brey : « Créer du female gaze, c’est se défaire d’un inconscient patriarcal »

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Netflix, l’aliénation en série de Romain Blondeau (Seuil, 60 p., 4,50 €)

Stranger Things, The OA, Orange Is the New Black… Netflix est parvenu à s’installer dans nos habitudes de consommateurs, au même titre qu’Amazon, Uber ou Deliveroo. Ultralibéral, innovant, producteur sans limite de flux audiovisuel, Netflix est ainsi devenu le fournisseur officiel d’images de la start-up nation, le média de nos vies immatérielles et domestiquées. Il est également un sujet esthétique qui a altéré notre patience ciné-matographique : à l’heure de la surcon-sommation imagière, comment regarder un plan-séquence de plus de deux minutes ? Comment supporter une image qui n’ait pas d’utilité narrative pour l’intrigue ? Dans son premier essai, Romain Blondeau pose tous ces constats et toutes ces questions. Netflix, comme prétexte pour réfléchir notre monde, son économie, ses nouvelles pratiques…

Le Soin des choses de Jérôme Denis, David Pontille (La Découverte, 368 p., 23 €)

Qu’ont en commun une chaudière, un smartphone, une cathédrale, une œuvre de Léonard de Vinci et un lave-linge ? Pas grand-chose, si ce n’est qu’aucune de ces choses ne perdure sans une forme d’entretien, même minime. Pour autant, mesure--t-on bien l’importance de cet entretien qu’on appelle la maintenance ? Parce que s’y cultive une attention à la fragilité qui résiste au rythme effréné de la surconsom-mation, les deux auteurs, sociologues, nous invitent à mettre au premier plan cet art délicat de faire durer les choses. À la recherche d’un monde à l’écart de la toute-puissance technologique, où l’attachement aux choses est bien moins trivial que l’on pourrait l’imaginer…

Le Droit au sexe d’Amia Srinivasan (Puf, 250 p., 24 €)

Comment devrions-nous parler de sexe ? Un acte physique prétendument privé, chargé de sens public ; un lieu où le plaisir et l’éthique peuvent se dissocier sauvagement dans sa pratique. Depuis le mouvement #MeToo, le consentement est apparu comme le cadre clé pour parvenir à la justice sexuelle. Outil insuffisant pour aborder la complexité du sexe, nous dit Amia Srinivasan. L’autrice suggère la nécessité d’aller au-delà du « oui et non » et d’interroger les tensions politiques que le sexe implique (entre viol et injustice raciale, plaisir et pouvoir, capitalisme et libération, etc.). Le Droit au sexe propose une analyse originale, celle de la politique et de l’éthique du sexe dans ce monde, et nous donne à imaginer une autre sexualité possible.

La Revanche de la province de Jérôme Batout (Gallimard, 128 p., 12 €)

Après des décennies d’indifférence et de relégation au profit de la capitale et des métropoles, ce que l’on n’appelait plus que « la France des territoires » ou « la France périphérique » est en train de revivre, et peut-être même de reprendre l’avantage. Ce qui justifie de lui rendre son nom de « province » : le sentiment d’infériorité d’hier fait place à une nouvelle fierté. Jérôme Batout, philosophe et économiste, décrit les manifestations de cette revanche et analyse les conditions qui l’ont permise, de la révolution des modes de vie aux données nouvelles de la vie économique. Un livre anticipateur, qui pointe un basculement appelé à changer profondément beaucoup d’aspects de la société française.

L’Antiracisme trahi de Florian Gulli (PUF, 224 p., 18€)

La lutte contre le racisme est essentielle et d’autant plus difficile que le racisme se déplace et se transforme. Florian Gulli lève le voile sur une question très délicate et qui, parce qu’elle souffre d’imprécision, manque logiquement d’efficacité. Depuis une vingtaine d’années, difficle d’échapper à la floraison conceptuelle liée à la question du racisme. « Privilège blanc », « blanchité », « non-mixité », « minorité » : être antiraciste, aujourd’hui, ce serait reprendre à son compte ces termes controversés pour s’engager dans une lutte parfois plus bavarde que pratique. Un essai intelligent et minutieux qui dénonce les caricatures et les impasses d’une pensée qui se rêve plus qu’elle ne guérit le fléau universel du racisme.

La Vie secrète des gènes d’Évelyne Heyer (Flammarion, 240 p., 18 €)

Deux mètres d’ADN, quarante-six chromosomes, 20 000 gènes… Tapis dans le minuscule noyau de nos cellules, nos gènes disent en quoi nous sommes à la fois uniques et semblables. Ils nous connectent aussi à la vaste saga de notre espèce, héritière de millions d’années d’évolution biologique et culturelle. Or, si les gènes sont aujourd’hui omniprésents, ils restent des plus mystérieux. Pourquoi certains d’entre nous peuvent-ils boire du lait et d’autres non ? L’intelligence est-elle déterminée génétiquement ? La notion de race a-t-elle un quelconque sens ? En une trentaine de chapitres illustrés, Évelyne Heyer lève un coin du voile et nous conte la vie secrète des gènes. Une fascinante machine à remonter le temps…

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