- Article
- 5 min
Notre sélection du mois
- Bernard Quiriny
- 2019-12-20
Histoire de la pluie en quarante épisodes de Jean-Louis Hue (Grasset, 300 p.)
Le présent numéro de TROISCOULEURS court jusqu’à une période que nos ancêtres révolutionnaires, suivant le calendrier de Fabre d’Églantine, appelaient Pluviôse, du 20 janvier au 18 février. D’après eux, il pleut beaucoup en cette période. On pourrait objecter qu’il pleut davantage en novembre et en mars, mais peu importe : le moment semble idéal pour lire Histoire de la pluie en quarante épisodes de Jean-Louis Hue, promenade érudite et subjective qui convoque l’histoire, les sciences, les arts et les souvenirs, à la façon des essais de l’historien Alain Corbin, lui-même auteur d’une Histoire buissonnière de la pluie. Hue a retenu quarante angles d’attaque, par clin d’œil au Déluge, et ce n’est pas trop. La pluie est partout : dans la Bible, où elle lessive le monde ; dans la pensée indienne, influencée par la mousson et structurée autour des catégories du sec et de l’humide ; dans la poésie, où elle évoque le spleen et la griserie ; dans l’agriculture ; dans la peinture, du Pluie, vapeur et vitesse de William Turner au Rue de Paris, temps de pluie de Gustave Caillebotte.
Même la mode est concernée, avec les vêtements de pluie type Mackintosh ou Barbour, sans parler des parapluies, accessoires indispensables dont la Mecque, à Londres, est la boutique James Smith & Sons, « la plus vieille boutique de parapluies d’Europe » – comptez environ 225 £ (262 €) pour un modèle classique, si solide qu’il « peut protéger de la pluie durant une vie entière ». L’auteur aurait été bien avisé d’emporter un tel parapluie quand il est parti à pied sur le West Highland Way, un sentier de randonnée serpentant en Écosse, dans la région la plus humide de Grande-Bretagne. Trempé, fripé, épuisé, il a abandonné avant la fin ; un comble pour ce marcheur aguerri, accoutumé aux intempéries depuis son enfance normande. Car il pleut beaucoup en Normandie, d’où le patois pour désigner l’averse – la birouée, la brouasse, la guilée – et la bruine – le crassinage, terme cité par Flaubert. Ce n’est rien cependant à côté du japonais qui possède, paraît-il, un mot pour chaque nuance de pluie. Ces aperçus culturels sont l’un des charmes de ce livre passionnant, épicé d’un humour discret. Son seul défaut est de n’être pas imprimé sur papier hydrofuge, pour être lu in situ.
À LIRE AUSSI
L’ARTISTE d’Antonin Varenne (La Manufacture de livres, 280 p.)
Paris, 2001 : un tueur en série s’attaque à des artistes, dans des mises en scènes recherchées. L’inspecteur Heckmann enquête… Antonin Varenne a entièrement réécrit cette histoire, qui fut son premier roman. Efficace, avec quelques scènes choc du meilleur effet.
PARIS AUX CENT VISAGES de Jean-Louis Bory (Les Éditions du Pacifique, 70 p.)
Mort en 1979, le romancier et critique de cinéma Jean-Louis Bory avait publié l’année précédente ce beau texte sur Paris, agrémenté de photos de Bernard Hermann. Pour cette réédition, les photos font place à de superbes illustrations signées Damien Chavanat.
UNE ANTHOLOGIE d’Edward Gorey (Le Tripode, 176 p.)
Sans lui, l’univers de Tim Burton ne serait pas le même : Edward Gorey, illustrateur et écrivain américain, reste un must en matière d’ambiance gothique et enfantine. Cette anthologie rassemble cinq livres, dont Les Enfants fichus, grinçant abécédaire à base de mouflets trépassés.