Jane Fonda, une icône militante aux engagements multiples 

“La première fois que je suis venue [au Festival de Cannes], c’était en 1963”, a déclaré Jane Fonda au Grand Théâtre Lumière de Cannes ce samedi 27 mai. “Il n’y avait aucune femme réalisatrices en Compétition à l’époque. Et ça n’était venu à l’esprit de personne que ce n’était pas normal”. Elle a continué son discours en félicitant les sept femmes réalisatrices nommées cette année, avant de remettre, enchantée, la Palme d’or à la réalisatrice française Justine Triet pour Anatomie d’une chute, son film de procès vertigineux et palpitant.

La cause des femmes à Hollywood

Pour remonter aux premiers éclats médiatiques féministes de l’actrice, révélée en 1960, à l'âge de 23 ans, dans La Tête à l’envers de Joshua Logan, il faut revenir plusieurs décennies en arrière. En 1971, alors qu’elle recevait son premier Oscar pour son rôle de call girl dans Klute de Alan J. Pakula (elle en gagnera un second en 1977 pour son rôle dans Le retour), l'actrice montrait déjà qu'elle savait prendre du recul sur la manière dont le cinéma pouvait caricaturer les femmes : «Je ne suis pas très heureuse de ce que le long-métrage dit aux femmes, que si vous savez y faire et que vous avez un bon mari, tout se passera bien. Je ne pense que cela soit vrai ». Preuve que l'actrice tapait déjà dans le mille.

Bien plus tard, en 2015, au Festival international de Film de Sundance, l'actrice américaine disait : “Nous devons dénoncer les studios qui manquent d’impartialité vis-à-vis du genre. Il faut insister, se battre, crier, et lever le poing pour soutenir les femmes du cinéma. Nous devons prouver que les femmes cinéastes peuvent faire des films qui sont rentables”. Au même moment, elle annonçait la création du Women’s Media Center, association à but non lucratif dont l’objectif est d’améliorer la visibilité des femmes dans les médias. 

Elle s'engage aussi pour une plus juste représentation des femmes de plus de 50 ans. On pense notamment à son rôle dans la série comique et féministe Grace and Frankie - l'histoire de deux sexagénaires qui se réinventent ensemble après leurs divorces -, qui n'hésite pas à déconstruire les idées reçues. En mai 2023, elle expliquait d'ailleurs au magazine People qu'a 85 ans, elle est "plus heureuse qu'elle ne l'a jamais été".

Contre la guerre au Viêt Nam

Pleine d'entrain et téméraire, l’actrice et productrice américaine n’hésite pas, au début des années 1970, à dénoncer les politiques menées par le gouvernement américain quand celles-ci lui paraissent injustes. Ainsi, en 1972, en pleine guerre au Viêt Nam, elle se mobilise contre le gouvernement de Richard Nixon et sa politique de guerre qui consistait, selon elle, à bombarder massivement le Viêt Nam sans épargner les civils et à dissimuler des informations aux médias américains.

© AP Photo/NIHON DENPA NEWS

Photographiée à Hanoï, un cliché de l’actrice portant un casque sur un canon aérien nord-vietnamien avait à l'époque fait polémique. Cette photo très symbolique, l’actrice la regrettera encore des années après. En 1988, sur la chaîne américaine ABC, elle fait un premier mea culpa (“Je connais la puissance des images. Me mettre en scène dans une telle situation était irréfléchi et cruel… J’en assume toute la responsabilité.”), tout en expliquant que son objectif était avant tout "d'aider à mettre fin à ces tueries et à cette guerre". En 2015, elle réitère ses excuses auprès d'ABC News, précisant tout de même qu'elle ne regrette pas son voyage au Viêt Nam qui a été pour elle "une expérience incroyable".

Une fervente défenseuse des droits civiques

Malgré la controverse qu’a déclenché son engagement contre la guerre du Viêt Nam (et la surveillance policière dont elle a été victime à cette époque), le militantisme politique de Jane Fonda ne faiblit pas. Dès 1968, elle apporte son soutien à Huey P. Newton, le leader des Black Panthers, et a continué de défendre les droits des afro-américains les décennies suivantes. 

En 2020, alors que le mouvement Black Lives Matter éclate aux États-Unis après une série de drames causés par des violences policières, Jane Fonda prend la parole dans l'émission américaine CNN Tonight pour assumer ses privilèges, dénoncer le racisme systémique de la société américaine et pointer du doigt le président de l’époque, Donald Trump, et son administration dont elle estime qu’il faut se “débarrasser”. 

“Parce que nous sommes Blancs, nous avons bénéficié de privilèges. Même les plus pauvres d’entre nous sont privilégiés. On doit reconnaître, et comprendre, que ce qui maintient le racisme en place, ce qui empêche les individus noirs de sortir de la misère, ce sont nos lois, nos politiques discriminatoires..."

La lutte contre le climat : le plus récent combat de Jane Fonda

Dernière lutte que Jane Fonda a ajouté à son arc militant : celle pour le climat. Inspirée de l’initiative Fridays For Future de Greta Thunberg, l'actrice américaine crée Fire Drill Friday ("Vendredi alerte incendie" en français), un mouvement qui organise chaque vendredi des manifestations devant le congrès américain pour alerter sur la situation climatique. Vêtue d’un manteau rouge, couleur devenue emblématique de l’urgence climatique, elle encourage la population à changer de mode de consommation pour préserver notre planète. Et ce, malgré ses nombreuses arrestations pour désobéissance civile.

En 2019, elle est arrêtée cinq fois par la police lors de manifestations pour l'environnement, rappelle le magazine américain Deadline, et à chaque fois, elle ne manque pas de tourner la situation en dérision, en profitant notamment pour remercier les BAFTA de lui avoir décerné le prestigieux Stanley Kubrick Britannia Award. 

“BAFTA, merci ! Merci pour le Stanley Kubrick Britannia Award pour l’excellence au cinéma. Merci ! Je suis désolée de ne pas pouvoir être là ! Je suis honorée".

Autre réaction cocasse. Après une nuit passée en prison en novembre 2019, elle a confié au Washington Post : “Une co-détenue m'a dit : il doit y avoir d'autres moyens de manifester. Je pense qu'elle a raison. Mon corps de 82 ans m'a fait mal”. Elle a tout de même précisé, avec son humour légendaire, que le sandwich saucisse-fromage qu’on lui avait offert était bon, et qu’elle avait pu faire connaissance avec ses compagnons de cellule, les cafards.

En février 2023, elle prend la parole lors d’une conférence de presse sur les océans organisée par l’ONU - comme l'a rapporté France Info -, alors que les pays membres tentent de se mettre d’accord sur des traités de protection de la haute mer. Réitérant une nouvelle fois la situation d’urgence dans laquelle notre planète se trouve, elle conclut, lasse : “Même les chiens ne font pas leurs besoins dans leur niche, ils préservent leur habitat, et nous, nous qui sommes supposés être les plus intelligents, nous souillons notre niche, notre habitat, notre planète”.

Tout est dit. Longue vie combattive à Jane Fonda ! 

(c) Image : Capture d'écran de la cérémonie, diffusée par France TV