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« Qui a peur de Virginia Woolf ? »

  • Nicolas Longinotti
  • 2021-05-27

Le réalisateur et monteur argentin Nicolas Longinotti analyse un geste cinématographique fatidique dans "Qui a peur de Virginia Woolf ?"

« Image-clé », c’est une série de courtes vidéos centrées sur un élément précis d’un film : une coupe, un mouvement de caméra, un fondu enchainé… Tout détail peut devenir sujet de ce caprice sous forme de commentaire intime, par le réalisateur et monteur argentin Nicolas Longinotti. Aujourd'hui, une coupe dans "Qui a peur de Virginia Woolf ?" de Mike Nichols.

Sorti en 1966, Qui a peur de Virginia Woolf ? est le premier film de Mike Nichols (Le Lauréat, La Guerre selon Charlie Wilson), connu à l’époque comme metteur en scène de théâtre. Le film est une adaptation fidèle de la pièce éponyme, écrite par Edward Albee en 1962.

L’action se déroule en une seule nuit autour de quatre personnages. George et Martha, incarnés par le couple mythique Richard Burton et Elizabeth Taylor, et un couple plus jeune, Nick et Honey, joués par George Segal et Sandy Dennis. Plus la nuit avance, plus les conflits internes des couples remontent à la surface.

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Une sorte d’inertie s’installe. La caméra, légèrement en plongée, donne une perspective étrange à l’image et dévoile un espace tout en profondeur semblable à une scène de théâtre.

L’image-clé dont j’ai envie de vous parler, le détail que je retiens, est une coupe.

C’est la fin du film. George et Martha sont en pleine dispute sous les yeux ébahis de Nick et H. L’échange violent est filmé principalement en plans rapprochés, des bribes de dialogues, des fragments de pleurs et de cris composent une litanie dissonante. Une révélation vient de tomber. Les répliques du drame sont prononcées et l’espace filmé, désormais réduit aux gros plans, est sans issue.

Les quatre visages affichent leurs dernières expressions, la musique joue ses dernières notes, et là, c’est le premier plan d’ensemble de la scène.

Tel un miroir, les deux hommes sont debout dans la même position ; les deux femmes, assises dans la même attitude.

L’effet induit est une rupture totale du rythme. Une sorte d’inertie s’installe. Changement de focale, silence général et longue durée du plan. La caméra, légèrement en plongée, donne une perspective étrange à l’image et dévoile un espace tout en profondeur semblable à une scène de théâtre. Le drame vient d’être joué et le dénouement a eu lieu.

Sortie de scène pour le jeune couple, seuls les deux personnages principaux du film demeurent… Toujours dans la même posture, figés, dans un faux arrêt sur image.

Annonçant la fin qui arrive, le personnage de Richard Burton éteint les lumières du décor. Un rituel de fin de journée qui donne forme à une fin de film.

La caméra, finalement, s’éveille et s’avance vers lui. La coupe tombe en synchro avec le geste et entraîne le dernier plan du film.

Mais ça, c’est une toute autre histoire.

Crédits images : © Warner Bros.

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