IARTISTE · Life Forms of Tardi : « Je parcours ces nouveaux mondes numériques pour en débusquer un potentiel émerveillement. »

« J’ai étudié la communication visuelle, avec un focus sur la photographie, avant de me lancer dans une carrière artistique. Si j’ai été tenté par la réalisation de fictions et les documentaires, c’est la photographie qui a remporté mes faveurs, principalement parce que je n’étais pas contraint de travailler en équipe.

La naissance de mon univers s’est faite de façon erratique et progressive, à mesure que j’essayais tous les générateurs d’I.A., dont les limites me frustraient énormément. Je voyais le potentiel de DALL-E ou de Midjourney, mais le résultat ne me satisfaisait pas. Après beaucoup de tests infructueux, je suis néanmoins parvenu à concevoir le premier Tardi et, petit à petit, des images puis un univers ont émergé.

Sur cette première impulsion, j’ai imaginé un personnage de zoologiste de l’espace, John Conrad Ephraim, dont le nom s’inspire de Johann August Ephraim Goetze et Johann Conrad Eichhorn. Ces zoologistes allemands ont, respectivement en 1773 et 1775, découvert les tardigrades : ce sont des animaux microscopiques que l’on trouve dans l’eau, dans les zones humides mais aussi dans la mousse des coussins. On dénombre environ 1 200 espèces de tardigrades. Je m’identifie en quelque sorte à John Conrad Ephraim : comme lui, je parcours ces nouveaux mondes numériques pour en débusquer un potentiel émerveillement.

En dehors des générateurs d’images et de vidéos, j’exploite ChatGPT et DeepL pour rédiger les textes descriptifs qui accompagnent chaque créature. DeepL m’aide à traduire les textes originaux des zoologistes allemands. J’utilise ChatGPT comme un moteur de recherche, notamment pour obtenir des informations biologiques qui pourraient m’aider dans la constitution de mon univers. Par contre, ChatGPT est, je trouve, très peu performant pour ce qui relève de la fiction.

Mes créatures, et ce sont des termes que j’exploite dans mes prompts systématiquement, sont petites et rondouillards. Bien entendu, ces caractéristiques viennent de ma source d’inspiration : les tardigrades ont ce type de morphologie. Mais j’adore aussi explorer toutes les possibilités de ces silhouettes parce qu’elles sont souvent drôles, mais peuvent aussi devenir un peu inquiétantes. Enfin, d’un point de vue narratif, Tardi est un monde où la gravité est plus forte que sur la Terre, ce qui justifie que ses habitants possèdent cette morphologie très particulière.

Si je peux montrer les paysages de Tardi, notamment en dévoilant des structures qui auraient pu être bâties par ses habitants, en revanche je place mes créatures devant des fonds neutre. Il y a deux raisons à cela : la première, c’est que je m’inscris ainsi dans une vieille tradition des biologistes qui, par exemple, proposaient des gravures des espèces découvertes devant un fond blanc. L’autre raison, c’est que je ne veux pas que les spectateurs soient distraits par l’arrière-plan : ils doivent pouvoir se concentrer sur l’animal présenté.

Au final, l’I.A. m’a surtout permis d’explorer une nouvelle forme de narration. Je suis en train de bâtir tout un univers que j’aimerais pouvoir exploiter avec des formes de récit plus classiques, comme une série télévisée par exemple. Et d’ailleurs, c’est bien là que je place mes plus grands espoirs dans l’I.A. : j’espère que l’évolution de ces outils va me permettre d’atteindre, en toute autonomie, une qualité digne des productions les plus fortunées. »

Image : © Life Forms of Tardi