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I.ARTISTE(S) · L’exposition Artificial Dreams : « L’I.A. redéfinit le rôle de l’artiste. »

  • Julien Dupuy
  • 2024-05-22

Le Grand Palais Immersif ouvre ses portes aux I.A. : jusqu’au 8 juin, vous pourrez y découvrir les œuvres d’une petite vingtaine d’artistes (dont Niceaunties, déjà interviewée ici-même) qui, tous, exploitent algorithmes et générateurs pour nous interroger, nous bousculer, nous émerveiller. Roei Amit, directeur général du Grand Palais Immersif, et Charles Carcopino, commissaire de l’exposition, nous guident dans ces dédales numériques.

Roei Amit : « Le Grand Palais Immersif existe depuis un an et demi. Notre objectif premier est d’amener le grand public à découvrir l’art moderne à travers ses nouveaux formats, notamment immersifs donc, mais au sens large du terme. Nous étions donc fatalement amenés à nous faire l’écho de l’impact de l’I.A. dans l’art et à montrer comment les artistes, qui sont toujours à l’avant-garde, s’approprient ces nouveaux outils.

Nous envisageons cette exposition comme une rencontre, mais aussi comme un moment d’échange et de débats. Par exemple, l’acte de programmer pour créer une œuvre, suscite des débats sur la place et le rôle de l’art. Personnellement, je pense qu’il y a là un nouveau type d’artisanat qui est en train d’émerger. Quoiqu’il en soit, il est bon que Le Grand Palais Immersif puisse initier la discussion. Et même si notre démarche peut choquer, il faut provoquer le débat : l’I.A. est là, que faisons-nous avec ? »

Charles Carcopino : « Les I.A. occupent, depuis deux ans environ, une place considérable dans les médias : elles fascinent et effraient. Nous avons voulu retranscrire tout cela dans l’exposition. Certaines œuvres vont sciemment créer de la peur parce qu’elles exploitent l’image du visiteur. C’est le cas par exemple de The Confessional et d’AI EGO, des installations de MOTS dans lesquelles on vous invite à vous soumettre au jugement d’une I.A. Elles préfigurent une tendance à laquelle nous allons devoir nous confronter, car  dans beaucoup de secteurs, il va falloir négocier avec des I.A. qui vont se faire une certaine idée de nous en fonction de nos traces numériques. De la même façon, d’autres œuvres nous interrogent sur les fake news ou encore sur l’exploitation de notre image.

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Avec les I.A. apparaissent des outils très puissants, qui exploitent la masse de données hallucinante que l’on produit et qui est utilisée comme une sorte de matière créative. Ce contenu offre une puissance de feu hallucinante aux artistes. C’est pourquoi cette exposition met beaucoup en avant les artistes : sans eux, l’exposition n’existera pas, il n’y aurait pas cette sorte d’épopée poétique et merveilleuse. Nous avons besoin de cette impulsion créative. Nous avons voulu, à ce titre, proposer un panel d’artistes internationaux, porteurs d’une grande diversité de propositions. Nous ne voulions pas être bloqués dans une seule esthétique I.A., pour tant est qu’il en existe une. Il fallait montrer un grand champ des possibles, quitte à créer des ruptures narratives dans le parcours.

C’est une œuvre de Markos Kay qui a été choisie pour l’affiche de l’exposition. Roei et moi avions découvert son travail à Londres puis aux Pays-Bas, et il nous avait beaucoup touchés. Markos est victime d’une maladie dégénérative et, sans les I.A., il lui serait très difficile de s’exprimer de la sorte. Il a un univers très riche, à la fois scientifique, organique avec un travail sur les algorithmes qui vire vers le psychédélisme. On ne voyait pas ce genre d’images avant l’arrivée des I.A.

Je ne pense pas que les I.A. viendront en remplacement des technologies traditionnelles, mais c’est une énorme révolution dont on a encore du mal à cerner les contours. Or, l’Histoire de l’art est ponctuée de révolutions : les impressionnistes, le pop art, la photographie même. À chaque fois, des voix s’élèvent pour dire qu’il faut se défier de ces outils. Et à chaque fois, le rôle de l’artiste est redéfini, du moins en partie. Par exemple, Justine Emard, l’artiste qui a signé l’installation Hyperfantasia, dit que les artistes deviennent des sortes de curateurs, dans la mesure où ils sont invités à faire le tri dans les innombrables propositions que lui fait la machine.

Enfin, cette exposition invite à réfléchir sur les capacités des machines à rêver, à créer des imaginaires. C’est une piste fascinante, parce qu’il y a encore quelques années, ce genre de prospective était inimaginable et rejetée par les gens. Et aujourd’hui, je ne peux honnêtement pas m’empêcher qu’il est possible qu’un jour, les I.A. créeront elles-mêmes, en toute autonomie. »

Image : © Quentin Chevrier

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