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I.A. QUOI ? · Un nouveau regard

  • Julien Dupuy
  • 2023-12-15

L’édito de Julien Dupuy. Les I.A. génératives ont rendu l’art accessible au plus grand monde, y compris, depuis peu, aux personnes souffrant de handicaps. L’artiste Cosmo Wenman vient de le démontrer avec une expérience aussi fascinante que prometteuse.

Wenman travaille depuis des années à rendre l’art graphique le plus perceptible possible aux personnes déficientes visuellement, notamment à travers des outils tactiles et sonores. Il a cette fois mobilisé trois chercheurs, tous souffrant de cécité, Brandon Biggs, Lindsay Yazzolino et Joshua Miele, pour leur proposer de créer leurs propres images avec l’aide d’outils I.A.

Parmi les 4 110 visuels obtenus au fil de cette première expérience, il est intéressant, notamment, de voir comment Joshua Miele a retranscrit ce qu’il perçoit des sculptures de Rodin, dont il avait pu toucher plusieurs moulages. D’autres visuels révèlent des interactions étonnantes entre ces spectateurs malvoyants et des peintures dont ils font ressortir des éléments sous entendus. Mais ce sont les visuels d’animaux qui ont produit les résultats les plus fascinants. « Leur étrangeté, raconte Wenman, évoque les peintures des naturalistes du 17ème siècle ou certaines enluminures médiévales représentant des animaux exotiques que ces artistes n’avaient pas pu voir de leurs propres yeux. Ils devaient donc se fier à des descriptions, plus ou moins détaillées. »

Cosmo Wenman via DALL-E

On peut imaginer les débouchées d’une telle expérience dans un futur proche, en particulier lorsqu’un dialogue fiable pourra être initié entre les générateurs et ses utilisateurs. Midjourney, par exemple, vient de tester de nouvelles extensions qui permettraient de traduire une image en texte, en détaillant son contenu, son ambiance, son style graphique. Les personnes malvoyantes pourraient ainsi recevoir un retour automatique, précis et aussi objectif que possible de leurs propres travaux pour les faire évoluer. Wenman attend également avec impatience que ces générateurs s’appliquent aux imprimantes 3D qui, par exemple, permettraient aux utilisateurs d’avoir une perception tactile d’une peinture générée par I.A. 

Mais une perspective encore plus folle est en train de voir le jour : avec des données obtenues par magnétoencéphalographie et IRM (imagerie par résonnance magnétique), des I.A. sont récemment parvenues à produire des images en lisant, littéralement, dans le cerveau des utilisateurs. Encore balbutiante mais déjà très prometteuse, cette nouvelle évolution des I.A. génératives pourrait bouleverser une nouvelle fois le monde de l’art et ouvrir un tout nouveau pan de la communication entre les êtres humains.

EN +

Les I.A. pourraient, aussi, considérablement aider les malvoyants dans leur quotidien, nous explique cet article de Wired (en anglais).

Le détail des travaux scientifiques permettant, aux I.A., de décoder un texte lu ou une image vue, via l’activité cérébrale (en anglais).

I.A. PLAYLIST

Grâce à des outils d’optimisation d’images basées sur des I.A., Dogan Ural révèle le « vrai » visage de la Joconde ou de La Jeune fille à la Perle, tout en précisant que « bien entendu, le résultat final est bien plus mauvais que l’œuvre originale. »

La même expérience conduite avec des Emojis. Flippant !

Le passionnant psychologue Albert Moukheiber nous offre quelques réflexions sur les I.A. dans cette masterclass menée à bâtons rompus.

C’est LA grande nouveauté de ces dernières semaines : les outils I.A. d’animation deviennent de plus en plus performantes.

I.ARTISTE

Peu d’artistes I.A. se montrent aussi rigoureux et tenaces que l’Américain Bralynn Bell. Son Strangest Flea Marker (Le Plus Étrange Des Marchés aux puces) est une invitation à explorer les allées d’une brocante merveilleuse, cachée dans un quartier de New York. Le créateur de ce lieu fabuleux nous guide dans son univers.

« Je travaille dans le web design, le marketing et la programmation web depuis une bonne vingtaine d’années. J’ai notamment beaucoup travaillé sur les mots clés utilisés par les internautes pour chercher un produit : il me fallait, en quelque sorte, initier un dialogue avec une machine pour présager de ses réponses. En 2004, j’avais même signé un papier, une sorte de mode d’emploi qui expliquait comment définir les bons mots clés pour optimiser son placement sur Google. Et ce processus de réflexion est un peu similaire avec les générateurs d’images.

Après quelques tâtonnements, j’ai choisi de m’attarder sur ce Strangest Flea Market : j’aime les films comme Labyrinthe de Jim Henson, dans lesquels un monde imaginaire semble s’ouvrir sur notre quotidien. Il n’y a pas de portail inter dimensionnel, de vaisseau spatial, juste une porosité entre notre réel et un monde imaginaire. Et puis, visuellement, un marché aux puces est un lieu riche en possibilités.

Depuis le début de ce projet, j’essaie de me tenir à une charte graphique précise. Il me faut donc faire un énorme travail de recherches et de triage pour être certain de conserver ma vision intacte : il n’est pas rare que j’écarte une centaine d’images avant d’en obtenir une qui s’intègre enfin à mon univers. Il est facile d’être tenté par une image qui a un look cool, mais on peut se laisser submerger par cette esbroufe. Un autre défi dans mon processus, c’est de m’adapter aux mises à jour des outils I.A.. À l’heure où je vous parle, Midjourney en est à sa version 5, mais je continue à exploiter la 4 : la 5 est trop précise, trop réaliste à mon goût. À chaque mise à jour, je dois revoir ma façon de travailler, je dois me réadapter constamment. Je contraints aussi l’I.A. à imaginer quelque chose d’inédit. Pour dire les choses autrement : je m’efforce toujours, dans mon travail, à ce que vous ne puissiez pas remonter à mes prompts, que vous ne puissiez pas dire d’où sortent ces images.

Jusqu’à présent, je n’avais jamais détaillé cet univers, j’avais peur de briser la magie et notamment le fait que beaucoup de gens aiment inventer des histoires autour de mes images. Mais j’ai décidé de changer de cap très récemment en développant mon monde avec des vidéos : je ne veux pas y construire d’histoire mais étoffer mon univers. Je vais donc montrer certaines règles du Strangest Flea Market, comme : quelle est la monnaie d’échange exploitée ? Comment fonctionne le service de sécurité ?...

Un auteur-réalisateur qui travaille pour HBO est fan de mon univers et m’a proposé de travailler à mes côtés. Il a même parlé, à des gens du milieu, d’une adaptation de mon travail. Nous verrons bien où cela nous conduit. Mais ce qui serait génial dans un avenir prochain, c’est que mes créations débouchent sur un univers virtuel dans lequel les gens pourraient créer et échanger leurs propres histoires. Dans 4 ou 5 ans, il est possible que l’on vive une expérience en VR dans mon Strangest Flea Market pour interagir avec des personnages dont l’histoire aura été imaginée par d’autres utilisateurs. »

I.A. QUOI ? Création autophagique

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Image de couverture : The Strangest Flea Market, via Facebook

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