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I.A. QUOI ? · Jeux de manipulations

  • Julien Dupuy
  • 2024-05-07

Nul ne doit ignorer que les I.A., surtout quand elles sont génératives, consomment une quantité affolante d’énergie. Elles sont de véritables ogres, qui engendrent une empreinte carbone considérable.

Sam Altman lui-même, le très médiatisé président d’OpenAI, s’en inquiète depuis des mois et mise tout sur le nucléaire : il aurait investi 375 millions de dollars dans la compagnie spécialisée dans la fission nucléaire, Helion Energy. La consommation d’eau exploitée pour refroidir les data centers nécessaires, notamment, au fonctionnement de ces générateurs est peut-être encore plus effroyable. Ainsi, le centre de données de Microsoft et d’OpenAI à Goodyear, dans l’État d’Arizona, engouffrerait actuellement plus de 200 millions de litres d’eau par an !

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Ce chiffre effarant a alerté la procureure générale de l’État, Kris Mayes, qui exige d’encadrer l’expansion de ces compagnies, sous peine de mettre en péril l’écosystème de la région. Même si, ici, ce sont nos activités numériques dans leur globalité qui sont les coupables, il est indispensable, a minima, de réglementer l’émergence des I.A. génératives au regard de ces chiffres. Mais il faut également mettre ces dérives en perspective. Car, finalement, ce qui interpelle ici est-il lié à la technologie en elle-même, ou à son utilisation ? Il faut tout d’abord rappeler que le cinéma, en tant qu’art technologique et émanation de la révolution industrielle, a de tout temps était très polluant.

Au temps du cinéma photochimique, certains grands laboratoires français rejetaient les résidus du développement directement dans les cours d’eau. Ainsi, la Marne a longtemps été l’une des grandes victimes du cinéma français. Les décors, qui utilisent quasi systématiquement des matériaux plastiques tels que le polystyrène ou la mousse de polyuréthane, génèrent encore aujourd’hui des déchets considérables. Certains ont même détruit des zones protégées entières, comme ce fut le cas du célèbre décor des Amants du pont Neuf de Leos Carax. Et quand le cinéma a amorcé sa mue vers le numérique, c’est au travers de l’utilisation de métaux rares, mais aussi d’eau et d’électricité, que l’empreinte carbone des films s’est fait le plus ressentir.

Ainsi, lors du calcul des images finales d’Avatar. La voie de l’eau, la puissance requise par Weta Digital dépassait les ressources en électricité de Wellington, la ville de Nouvelle-Zélande où l’entreprise est implantée. Il faut donc se demander si la problématique de l’empreinte carbone des I.A. est liée à son mode de fonctionnement ou au fait qu’elle rende accessibles au plus grand nombre des outils qui étaient auparavant réservés à une minorité. Quand une petite poignée d’élus maltraitaient notre écosystème pour réaliser leur vision artistique, la question ne se posait que très rarement. En revanche, maintenant que le grand public est en mesure de créer par le biais des I.A. génératives, il est impératif de s’inquiéter de l’empreinte carbone de ces nouveaux outils. Pour le dire autrement : l’empreinte carbone des I.A. est aussi la terrible contrepartie de la démocratisation de la création audiovisuelle.

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Cette problématique rappelle une formidable double page intitulée Les Riches et les Pauvres du dessinateur Reiser que l’on peut trouver dans l’album On vit une époque formidable (1976). Il y racontait avec son ton mordant habituel que, par exemple, «quand les riches avaient une auto, c’était un événement. Quand les pauvres ont une auto, c’est une calamité». Et il concluait avec un cynisme toujours d’actualité : « Aux dernières nouvelles, on en est toujours là. » CQFD !

Image : © The Walt Disney Film Company

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