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I.A. QUOI ? · L’heure du reboot

  • Julien Dupuy
  • 2023-09-15

L’édito de Julien Dupuy. Outre la grève qui oppose la Writer's Guild of America (WGA) et l'AMPTP (l’union des studios hollywoodiens et des exploitants), les scénaristes ont-ils des moyens de pression pour résister à l’émergence des I.A. dans leurs corps de métier ?

Quelques voix dissonantes répondent par l’affirmative en rappelant que, si l’I.A. est devenue une menace pour les scénaristes, c’est aussi parce que le mode opératoire des grands studios américains tend, depuis de nombreuses années, à annihiler l’ambition artistique d’auteurs par ailleurs conciliants.

En mai dernier, la réalisatrice et scénariste Justin Bateman (son nouveau film, Face, avec Mary-Louise Parker et Carrie-Ann Moss, est en tournage) a ainsi déclaré dans une tribune publiée dans Newsweek que les spectateurs comme les artistes « ont été préparés (…) à la prise de contrôle de l’art par l’I.A. : les reboots, les remakes, les suites et autres prequels ont remplacé les nouvelles histoires. Depuis des années nous faisons, en quelque sorte, de l’I.A. à la main, piochant dans des créations anciennes pour recracher une sorte d’amalgame de tous ces travaux. »

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Nettement plus véhément, l’auteur-réalisateur Charlie Kaufman (Synecdoche, New York, Anomalisa) n’a pas retenu les coups lors d’une masterclass accordée au festival du film d’Agelast & Sarajevo : « Le vrai problème que posent les I.A., c’est que les scénaristes ont été formés pour manger et produire des ordures. (…) Aujourd’hui, tout ce qui rapporte de l’argent, ce sont ces déchets, c’est fascinant. Et c’est très séduisant pour ces scénaristes, surtout s’ils sont loués pour ces déchets alors qu’ils n’ont pas besoin de réfléchir longuement à ce qu’ils font. (…) Tant qu’ils se complairont dans ce cirque, à produire cette merde, autant que ce soit l’I.A. qui le fasse. »

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Bateman, comme Kaufman, en sont venus à une conclusion similaire : pour survivre, les auteurs doivent refuser ce nivellement par le bas et trouver une voie dans l’industrie qui leurs permette de créer des œuvres ambitieuses et innovantes, par exemple en renouant avec leur condition humaine. Face à l’émergence de cette concurrence numérique, piocher dans notre expérience en tant qu’être humain pour en tirer de nouvelles histoires semble, en effet, être une arme imparable. Lors d’une passionnante table ronde accordée au festival de cinéma international de Karlovy Vary en République Tchèque, la « creative consultant » Tatjana Samopjan a ainsi rappelé que « la meilleure résistance à opposer aux I.A. est de renouer avec notre réalité, de vivre pleinement. Les artistes savent trouver dans leur réalité, dans ses ambivalences, dans ses nuances et dans ses paradoxes suffisamment de matériau pour créer quelque chose de vraiment original. » À bon entendeur…

Bonus : cette passionnante interview de Charlie Kaufman dans Variety sur sa position vis-à-vis des I.A.

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I.A. PLAYLIST

Antti Viklund a imaginé, à l’aide du générateur d’images Midjourney, une version alternative du tournage épique des Dents de la mer de Steven Spielberg, avec un requin mécanique qui semble toujours aussi revêche à manipuler.

Une petite mise en perspective des peurs vis-à-vis des technologies numériques avec cette présentation, en 1990, de Photoshop. Les réactions des participants font écho à une partie des craintes contemporaines vis-à-vis des générateurs d’images et du deepfake.

Spécialisé dans les sculptures numériques de célébrités, l’Iranien Hadi Karimi a conçu un portrait hyperréaliste de Stanley Kubrick.

L’humoriste russe Alexandre Dobrokotov s’est servi d’un générateur d’images pour étendre les pochettes d’albums culte et révéler des environnement inattendus, en particulier pour Master of Puppets de Metallica.

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I.ARTISTE

Le duo d’artistes québécois Vallée Duhamel, composé d’Éve Duhamel et de Julien Vallée, s’est distingué pour son utilisation de trucages plutôt rudimentaires dans leurs courts métrages, leurs publicités et leurs clips (dont « Daisies » de Katy Perry). Julien Vallée nous explique comment, pour le court métrage After Light, le duo a bravé leurs peurs des I.A. en embrassant ces technologies émergentes.

« Le point de départ d'After Light était de démystifier les technologies de l'intelligence artificielle disponibles tout en explorant comment elles pourraient s'intégrer dans notre esthétique. Comme bon nombre de professionnels, nous avons ressenti une certaine inquiétude lorsque ces nouvelles technologies ont atteint un niveau de cohérence et de performance plus avancé, l’an dernier. Nous nous sommes efforcés de rester informés, mais plus nous nous plongions dans le sujet, plus nous imaginions des scénarios pessimistes quant à l’avenir de l’industrie. Et puis, à un moment, nous avons décidé de transformer notre anxiété en catalyseur en nous immergeant dans ces outils.

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Nous avons toujours privilégié une approche qui favorise les effets "in-camera" dans nos travaux précédents. Cette approche apporte une certaine imperfection qui, à notre avis, permet de connecter davantage le public avec ce qu'il voit. Étrangement, le processus derrière After Light suivait des principes similaires. D'une part, pour adapter ce projet à notre esthétique, nous avons utilisé nos projets passés comme référence pour définir des palettes de couleurs et des textures. Ensuite, aucune image de ce film n'a été générée entièrement par un logiciel. Chaque plan résulte d'un travail de tournage, de montage et de composition d'éléments réels. Par contre, certains plans ont été créés en utilisant Midjourney, comme celui du danseur sur la voiture au milieu de l'océan. Enfin, pour chaque scène, nous avons dû faire de multiples essais avec les I.A. avant d'obtenir un résultat qui nous satisfasse. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'IA n'est pas encore capable de produire automatiquement le résultat attendu. Il y a donc eu beaucoup de travail sur les paramètres à tester et à ajuster. Cela a été d'autant plus complexe que nous avions plusieurs traitements visuels par scène. En fin de compte, bien que cela ait été un défi colossal, c'est précisément cette combinaison d'efforts rigoureux et d'ouverture à l'improvisation qui a permis de créer les moments que nous trouvons les plus captivants dans ce projet.

Nous souhaitions donc créer un hybride entre le cinéma traditionnel et les possibilités techniques offertes par ces outils pour aller plus loin dans notre démarche artistique. Nous n'étions pas à la recherche d'un projet strictement centré sur l'intelligence artificielle, mais plutôt d'une manière d'utiliser ces outils pour enrichir notre film et repousser nos limites techniques et budgétaires. Ce projet nous a permis de découvrir le potentiel offert par ces outils pour donner vie à des idées qui semblaient auparavant hors de portée en raison de nos contraintes matérielles. Cette perspective positive n'aurait peut-être pas été aussi évidente si nous n'avions pas entrepris ce projet. 

Soyons honnêtes, prédire à quel point notre métier va changer à mesure que ces outils évoluent relève un peu de la boule de cristal. Par contre une chose est certaine : il n’y pas de retour en arrière possible. Les artistes qui réussiront à s'adapter et à intégrer ces outils dans leur flux de travail seront ceux qui continueront à prospérer, et il sera très difficile pour les gens qui refusent de les utiliser de rester compétitif. »

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