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I.A. QUOI ? · Les nouveaux dadas

  • Julien Dupuy
  • 2023-11-03

L’édito de Julien Dupuy. Si l’on admet que l’outil qui sert à créer conditionne l’œuvre d’art qui résulte de cette création, quel style prédomine dans les œuvres générées par I.A. ? La question reste certainement insoluble, considérant la diversité et le foisonnement de propositions qui apparaissent chaque jour sur Internet.

Il semble, néanmoins, que les outils numériques ont provoqué une résurgence du surréalisme, voire du dada, à l’image de Digital Dadaism interrogé cette semaine. Un constant que vient appuyer le travail des premiers artistes à avoir émergé sur la scène des créations numériques : Mike Winkelmann, alias Beeple, et les duettistes de Cool 3D World, Brian Tessler et Jon Baken. Tandis que Beeple a, un temps du moins, embrassé l’absurde de ses œuvres, les seconds avaient, dès 2016, conçus des vidéos nonsensiques grâce à des outils numériques dopés aux I.A. Et cet élan a été copieusement suivi avec l’apparition des I.A. génératives, en particulier pour l’image et la vidéo.

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Finalement, cette parenté entre les artistes I.A. et les surréalistes des années 20 est logique. Comme leurs aïeux, les artistes I.A. s’expriment dans une époque troublée, où les désillusions sont légions et alors que des technologies émergeantes inquiètent. Mais surtout, l’outil I.A. nous semble favoriser plusieurs principes fondamentaux de ces courants artistiques voisins. Il y a tout d’abord l’art du collage qu’ont initié puis célébré les dadas puis les surréalistes. En exploitant des générateurs qui ont ingéré quantité d’œuvres, les artistes I.A. sont amenés à mixer des références existantes. Il y a également un renouveau de l’écriture automatique chère à André Breton. L’accessibilité de la conception des images et des vidéos par I.A. tend à désacraliser l’acte même de création : beaucoup des artistes interrogés ici même ont initié une œuvre en testant librement des choses, en laissant courir leur imagination.

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Et puis, enfin, il y a les limites technologiques de ces outils : il y a des chances que les surréalistes, comme les dadas, auraient adoré les mains déformées ou les visages désincarnés des générateurs numériques. Ainsi, la fameuse « vallée de l’étrange », ce moment où la reproduction d’un être vivant approche la perfection sans l’atteindre, est un écueil qu’assument certaines œuvres assistées par l’I.A.. Elle procure une distance avec le réel qui peut évoquer la façon dont Dali, par exemple, jouait avec l’hyperréalisme. Une autre question dès lors fait jour : quand les générateurs se seront perfectionnés, pour encore mieux digérer les œuvres d’art captées ou pour générer des humains parfaits, les I.A. surréalistes seront-elles toujours aussi populaires ?

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IA Playlist

Le sabir des agences de publicité a été particulièrement bien digéré par ChatGPT, comme le prouve cette expérience de Mathieu Crucq.

I.ARTISTE

Les travaux numériques de Digital Dadaism se déploient sur deux territoires bien distincts. Dans une première série, il s’amuse à déformer les visages de célébrités pour leur faire dévorer à pleine bouche de pelletées de junk food. Parallèlement, il explore des textures et des couleurs dans de longs voyages abstraits. Dans les deux cas, cet artiste suisse se réclame, comme son pseudonyme l’indique, des dadas français. Il nous explique pourquoi, tout en assumant la liberté et l’absence de logique de sa démarche artistique.

« Si je tiens à rester anonyme, c’est que mon projet artistique doit parler de lui-même. Je peux néanmoins vous dire que je suis suisse, que je travaille en tant que freelance comme photographe et producteur de vidéos.

J’aime la liberté totale que m’offrent tous ces outils. Mais en même temps, tout ça ne doit pas être pris au sérieux. Et il me semble que le dada partageait cette vision de l’art. Mon pseudonyme semblait donc couler de source.

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Quand j’ai découvert Midjourney, mon cerveau a comme explosé face à toutes les possibilités que ce générateur m’offrait. Et ce que j’aime, c’est que l’I.A. n’est pas parfaite, et que je peux donc exploiter ces erreurs. C’est particulièrement sensible dans mes vidéos sur les célébrités. Leurs visages sont parfois horrible, mais je les trouve surtout très drôles. D’ailleurs, je ne sais pas trop pourquoi je trouve ça super ridicule de les faire beaucoup manger, en particulier quand ils se goinfrent de spaghettis. Je suis aussi un grand fan de Tim Hawkey et, comme lui, j’explore des univers psychédéliques en lançant des mots sur ChatGPT que j’exploite ensuite sur deforum.art. Ce sont surtout des expérimentations totalement libres.

Les I.A., selon moi, vont tout bouleverser, notamment en terme de productivité. Beaucoup de métiers vont devenir obsolète, c’est évident. Et ça ne va pas s’arrêter : comme beaucoup, je suis persuadé que dans quelques temps nous allons pouvoir générer des vidéos totalement réalistes. Nous sommes rentrés dans une ère où il faudra vérifier chaque image pour s’assurait qu’elle est réelle. Il me semble donc très important d’encadrer les I.A. : il faut créditer et rémunérer les artistes qui ont été récupérés par ces générateurs et il faut imposer qu’un créateur qui a utilisé une I.A. le signale. Sans même un cadre légal, il faut que chaque artiste I.A. se montre honnête et responsable. »

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