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FAN ZONE · Marion Olité : « "Buffy" a sauvé beaucoup d’ados »

  • Joséphine Leroy
  • 2023-09-29

Journaliste culture pour « Têtu », « Madmoizelle » et « Elle », Marion Olité signe « Buffy ou la révolte à coups de pieu ». Dans cet essai passionnant publié aux éditions Playlist Society, elle raconte comment la mythique série teen « Buffy contre les vampires » a révolutionné le petit écran, en mettant en scène une tueuse de vampires bad ass qui se bat avec ses amis contre des forces du mal protéiformes, symboles des angoisses adolescentes. Rencontre. 

Comment as-tu découvert Buffy contre les vampires ? 

J’avais 14 ans quand Buffy… est arrivée sur M6, en 1998. Toutes les semaines, soit j’emmerdais mes parents pour enregistrer l’épisode, soit je regardais religieusement. C’est une série qui m’a construite, et aidée à traverser l’adolescence. Le personnage de Buffy [incarné de façon époustouflante par Sarah Michelle Gellar, ndlr] avait une répartie incroyable, quelque chose qui donnait de la force pour affronter la jungle – qui pouvait être parfois cruelle – du collège ou du lycée. 

Pourquoi la série, créée par Joss Whedon en 1997, est-elle devenue aussi culte ? 

Je pense qu’elle a sauvé beaucoup d’ados. Buffy est conçue comme un manuel de survie. Ça ne dit pas ce qu’il faut faire mais ça donne quand même des messages sur des valeurs communes, sur le fait que, parfois, on puisse se rater, déconner – avec ses amis par exemple –, et que ça ne veut pas dire que tout est perdu, mais qu’il faut accepter sa part de responsabilité. Ce qui fait aussi le succès de Buffy, c’est son réalisme émotionnel – même si elle combat des démons en caoutchouc, surtout dans la première saison, qui a assez mal vieilli en termes d’effets spéciaux ! Je crois que les ados d’aujourd’hui peuvent se sentir concernés par la série, qui parle de l’expérience universelle du passage à l’âge adulte, dans tout ce que ça peut avoir de beau, de cruel, d’épique. 

Par rapport aux films et séries horrifiques et fantastiques à destination des ados, très en vogue à partir la fin des années 1990, qu’est-ce qui la distingue ? 

C’est la première, donc elle a quand même pas mal influencé les autres. Et ce qui la différencie, c’est vraiment la qualité de son écriture. Le savant et riche mélange des genres aussi, parce qu’il y a du drame, de la comédie, du fantastique… Le teendrama fantastique, il n’existait pas avant Buffy. C’est aussi une série qui est très inspirée par l’horreur telle qu’on la faisait à la fin des années 1990. Il y a plein d’échos à Scream, notamment dans la saison 2, où Angel [grand amour de Buffy, Angel est un vampire venu du XVIIIe siècle qui a, dans un premier temps, commis des crimes atroces, avant d’être maudit et d’avoir une « âme », qui le rend inoffensif. Jusqu’à cette saison 2, où il perd son âme, ndlr] se transforme en petit ami psychopathe. Joss Whedon savait très bien ce qu’il voulait faire. Ce n’est pas forcément le cas de toutes les séries qui ont suivi derrière : CharmedRoswell, Smallville… Il n’y avait pas un agenda aussi précis. Il y avait aussi une grosse recherche dans le langage, dont je parle aussi dans le bouquin, qui a été initiée par Joss Whedon. Les scénaristes ont créé un langage adolescent spécifique à Buffy, qui a inspiré plein de productions derrière. 

Sur la représentation de la sexualité, Buffy apparaît comme une série très audacieuse. Le genre fantastique de la série a-t-il permis de contourner une certaine censure de ce point de vue ? 

Utiliser le fantastique permet effectivement d’évoquer des sujets comme les relations sexuelles entre les jeunes ados. La série parle quand même des premières fois dans la saison 2, quand Angel a une relation avec Buffy et qu’il devient hyper méchant. Ce qu’il se passe est ultra violent, mais comme il y a le vernis fantastique, ça permet de tenir à distance une réalité qui existe : oui, ton petit ami peut se transformer en gros connard le lendemain d’une nuit d’amour. Ça permet d’aborder toutes les questions de sexualité. C’est pareil pour les personnages de Willow [meilleure amie de Buffy, présente dès la première saison, ndlr] et Tara [qui arrive dans la quatrième saison, et vit une histoire d’amour avec Willow, ndlr]. Il y a plusieurs scènes dans la série qui utilisent la sorcellerie pour figurer leurs relations charnelles. La série met longtemps à les montrer s’embrasser. Ça a été un énorme combat pour le showrunner de réussir à montrer ça à l’époque. 

Dans le livre, tu évoques le « queer reading », cette « invitation » faite par les scénaristes de la série à « détecter des références à destination de la communauté LGBTQ+ ». Qu’est-ce qui fait de Buffy une série queer ?  

On va dire qu’il y a le texte et le sous-texte. Buffy a mis en scène un couple lesbien qui est très révolutionnaire pour l’époque. Aujourd’hui, ça peut paraître anodin, car il y en a dans beaucoup de séries pour ados – et tant mieux –, mais à l’époque c’était vraiment la première fois. Avant Buffy, il y avait eu des baisers lesbiens dans des séries américaines à heure de grande écoute, mais on ne racontait jamais des relations longues. C’était le « lesbian kiss episode » [un concept inventé dans les années 1990 pour parler de cette tendance des séries à mettre en scène un baiser lesbien, généralement dans un seul épisode et entre un ou deux personnages hétéro(s), ndlr], une tendance à montrer deux femmes s’embrasser, mais pour le plaisir du male gaze et pour relancer les audiences au milieu d’une saison qui commençait à descendre. Là, ce n’est pas du tout ce qu’ils ont fait. Ils ont vraiment travaillé cette relation de la saison 4 à la saison 6, sur plus de 50 épisodes. On développe une relation romantique, ce qui est déjà en soi révolutionnaire. Mais Buffy est aussi le produit de son époque. Dans les années 1990, il commence à y avoir du changement. Avant les années 1990, on voit des personnages « codifiés » queer, c’est-à-dire jamais ouvertement queer. Ils ont commencé à apparaître dans la série Dawson, mais aussi les films Sex IntentionsSex Crimes… 

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Joss Whedon, qui a grandi avec tout le cinéma codifié queer hollywoodien – qui va des années 1930 aux années 1990/2000 –, ajoute plein de personnages qui sont symboliquement queer. À commencer par Buffy. Une jeune personne queer peut s’identifier à elle, parce que tous les jours elle a des démons intérieurs à combattre, elle est seule, elle n’a pas demandé à être une Tueuse, mais elle est obligée de l’être. Il y a le personnage de Spike aussi [un vampire punk aux cheveux décolorés. Ennemi de Buffy dans les premières saisons, il se rapproche par la suite du Scooby Gang, surnom donné par la bande d’amis qui se créé autour de Buffy, ndlr], qui a des relations avec des femmes, mais qui a aussi une relation ultra intense avec Angel – qui est un peu plus développée dans le spin-off Angel [diffusée entre 1999 et 2004, la série suit Angel dans sa nouvelle vie à Los Angeles, ndlr], où elle devient carrément homoérotique. 

Le personnage de Faith aussi [une autre tueuse de vampires, qui apparaît dans la saison 3 de Buffy, ndlr], qui est codifiée bisexuelle. On sent qu’elle veut être Buffy, qu’elle la désire… Il y a plein de moments où elle l’appelle « girlfriend », ou qu’elle lui dessine des petits cœurs. Bon, malheureusement, elle correspond aussi un peu au trope de la bisexuelle psychopathe, mais même l’actrice [Eliza Dushku, ndlr] a confirmé qu’elle voyait Faith comme bi, tout comme Joss Whedon. 

Le deuil, l’angoisse de la fin du monde, les troubles psychologiques… La série ose creuser des sujets douloureux et sombres, plus qu’aucune autre série teen

Oui, c’est pour ça aussi que je parle souvent dans le bouquin de « mythologie ». Buffy se place à un bon endroit parce qu’elle arrive à la fin des années 1990. On allait vers les années 2000, c’était un nouveau monde et les débuts d’Internet, beaucoup de gens étaient flippés. Il y a cette idée de découvrir qui on est, de gérer son propre pouvoir… Vingt-cinq ans plus tard, quand on regarde Buffy, on se dit que l’esthétique est très années 1990 – ça tombe bien, parce qu’on est très nostalgiques de cette décennie en ce moment -, mais, en revanche, que les thèmes abordés parleront à tout le monde. 

« On met en place une mythologie pour ensuite la faire dérailler. »

Dans le livre, tu parles de « sororité en action ». Comment ce concept s’applique-t-il à Buffy ? 

La sororité dans la série est un peu chaotique dans le sens où Buffy est une « élue » [autrement dit la « Tueuse », une jeune femme à qui on accorde des pouvoirs mystiques pour combattre les forces du mal, ndlr], donc elle correspond au trope de la « Schtroumpfette » [Marion Olité cite dans son livre le « syndrome de Schtroumpfette », concept inventé par la poétesse et essayiste américaine et féministe Katha Politt au début des années 1990, qui renvoie à cette figure féminine mise sur  un piédestal par les hommes, ndlr]. Mais en même temps, les femmes ne sont ni mères, ni déesses, elles se parlent d’égale à égale. Parce que Buffy n’est pas la seule « Tueuse ». Donc le fait que la mythologie survive, c’est une idée de génie. On la met en place pour ensuite la faire dérailler. Dans la saison 7 [la dernière, qui imagine l’apocalypse, ndlr], qui n’est pas forcément la meilleure, la sororité est hyper intéressante. Il y a tout un tas de tueuses potentielles, avec lesquelles Buffy est dure, parfois condescendante. Mais elle réalise cette « sororité en action », qui est intuitive, pas vraiment réfléchie. Elle aide activement ses sœurs au combat. Elle les appelle, prend soin d’elles… Elle essaie de les entraîner et de les armer pour ce qui va arriver. La « sororité en action », c’est aussi sa relation avec Willow, qui créé la possibilité de changer la mythologie : tous les sorts magiques qu’elles pratiquent ensemble vont servir à aider les potentielles tueuses. 

« Buffy, c’est une tueuse de patriarcat »

Comment la série a-t-elle réinventé la figure du vampire, déjà bien présente dans l’imaginaire collectif ? 

Quand Buffy sort, on commence déjà à trouver le vampire sexy. Aujourd’hui, ça nous paraît évident, mais ça a commencé à cette époque. Avant ça, les vampires étaient dans des sitcoms américaines, ils représentaient « l’autre », le migrant transylvanien qui vient foutre le bordel en Europe. Dans les années 1990, il devient un héros romantique, notamment grâce à des films comme Dracula [de Francis Ford Coppola, sorti en 1992, ndlr] ou Entretien avec un vampire [de Neil Jordan, sorti en 1994, ndlr]. Buffy s’inscrit dans cette mouvance. Le vampire, c’est à la fois le bad boy et le nouveau prince charmant. On voit bien ça avec Angel puis avec Spike. Mais d’un autre côté, le vampire est quand même désacralisé, parce que c’est aussi une grande figure patriarcale. Il se distingue par son pouvoir d’hypnotiser les autres et en particulier les femmes, qui sont sous leur emprise. Buffy part de ce postulat-là pour prouver le contraire. Il y a notamment l’épisode assez fun « Buffy contre Dracula » en début de saison 5. Au début de l’épisode, Dracula arrive à l’hypnotiser une fois et vaguement à la mordre, mais, à la fin, elle lui dit que ses techniques ne marchent plus sur elle. Elle fait pareil en saison 1 avec la figure du Maître. Il y a aussi tous les vampires qu’elle tue au fil des épisodes : si on les regarde bien, ils ont tous une tronche de débile. Buffy, c’est une tueuse de patriarcat. 

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Si le message anti patriarcal est plutôt évident, l’écriture des personnages est très subtile, sans manichéisme. 

C’est une série féministe où on adore renverser les stéréotypes de genre : ce sont les femmes qui sont puissantes et ce sont les hommes qui n’ont plus de supériorité physique. Mais elle montre aussi les grandes faiblesses : par moments, le personnage de Xander [meilleur ami de Buffy, présent dès la première saison, ndlr] est adorable, il est toujours là pour ses amis. Mais, à d’autres moments, il se montre possessif, parce qu’il est rattrapé par l’ambiance de masculinité toxique. C’est un personnage intéressant parce qu’il est tiraillé : il aimerait faire partie du Boy’s Club, mais il se rend aussi compte que c’est débile et qu’il n’a pas envie de traiter les femmes comme ça. Dans Buffy, les gens ne sont jamais ni complètement méchants, ni complètement gentils. Alors que c’est censé être le personnage le plus mignon du monde, Willow devient quand même très méchante en saison 6, au moment où elle tombe dans une addiction à la magie. 

 Tu invites dans le livre à penser le sous-texte politique, presque marxiste, de la série. On pense à l’épisode où Buffy découvre une usine souterraine où on vole la jeunesse de jeunes qui travaillent à la chaîne (en saison 3), ou à celui dans lequel Buffy se met à travailler dans un fast-food (en saison 6). 

L’épisode « Fast Food » est celui qui a causé le plus de problèmes entre Joss Whedon et les annonceurs de la série. Dans une interview, il dit que c’est le plus osé qu’ils aient jamais fait. Dedans, le Scooby Gang soupçonne qu’il y a un ingrédient secret dans les hamburgers et que ce serait de la viande humaine. Les chaînes de fast-food étaient ultra vénères… 

 Il y a eu d’autres épisodes dont la réception a été difficile ? 

Dans la saison 3, il y a un très bel épisode dans lequel Buffy peut lire dans les pensées des autres et le Scooby Gang cherche une personne qui s’apprêterait à tuer tout le monde. Buffy évite aussi grâce à son don le suicide d’un de ses camarades. Elle a un très beau discours sur le fait que tout le monde peut avoir le sentiment d’être seul au monde. Que chacun vit avec sa peine et sa tristesse. Dans cet épisode-là, il y a quand même une arme portée par un adolescent. La diffusion de l’épisode a été repoussée parce qu’il y a eu la tuerie de Columbine, à peu près au même moment [le 20 avril 1999, deux élèves du lycée Colombine, situé dans le Colorado, ont tué douze élèves et un professeur, et blessé vingt-quatre autres élèves, avant de se suicider dans la bibliothèque de l’établissement, ndlr]. 

D’un point de vue formel, est-ce que Buffy a inventé quelque chose ? 

Il y a des épisodes formellement hyper canons. Ils avaient un très petit budget, mais ils ne voulaient pas faire quelque chose de cheap, ou des plans télé très rapprochés trop simples à faire. Il y a des épisodes qui ont été très salués par la critique à ce sujet, notamment l’épisode de la mort de la mère de Buffy [« Orphelines », seizième épisode de la saison 5, ndlr] où il n’y a aucune musique et plusieurs plans séquences. L’épisode « Un silence de mort » [dixième épisode de la saison 4, où tout le monde est réduit au mutisme, ndlr] aussi. Il y a un travail sur la lumière, la colorimétrie, les tons… Les décors aussi sont super : le sous-sol où vit le Maître avec toutes les bougies est magnifique. Ils utilisent aussi les CGI [effets spéciaux numériques, ndlr] – alors ça, c’est pour le meilleur ou pour le pire, parce que c’est très années 2000. Autant la saison 3 de Buffy est un petit bijou, mais alors la transformation du Maire en gros serpent, c’est compliqué ! En tout cas, je pense que ce travail a inspiré d’autres séries fantastiques. 

Comment as-tu géré l’affaire Joss Whedon, accusé ces dernières années par son entourage professionnel de harcèlement et comportements abusifs ? 

L’affaire a vraiment éclaté quand je rédigeais la fin de la première partie [en 2017, la productrice Kai Cole avait dénoncé dans une tribune publiée sur le site américain The Wrap le comportement abusif de son ex-conjoint, le traitant d’« hypocrite prêchant des idéaux féministes » ; trois ans plus tard, en 2020, le réalisateur Kevin Smith, puis les acteurs Ray Fischer, Jason Momoa, Kiersey Clemons et Gal Gadot ont également dénoncé ce comportement, suivis en 2021 par une partie du casting de Buffy et d’Angel, à savoir Charisma Carpenter, qui a été la première à partager son expérience sur Twitter, puis Amber Benson, Michelle Trachtenberg et Sarah Michelle Gellar, qui l’ont soutenue. Joss Whedon s’est défendu de ces accusations dans une interview publiée par le New Yorker en janvier 2022, ndlr]. J’ai été bouleversée. Ça a été un coup de poignard parce qu’on a du mal à comprendre comment quelqu’un qui a fait une série ayant pour but d’« empouvoirer » les jeunes femmes à travers le monde peut traiter ses actrices de la sorte, en les traumatisant. J’ai vraiment réfléchi. J’étais même à deux doigts de ne plus vouloir écrire le livre. J’ai passé une semaine à compiler toutes les accusations, à avoir des insomnies la nuit… Je fais vraiment partie des personnes qui ne séparent pas l’homme de l’artiste. Mais j’en ai discuté avec mon éditeur et j’ai décidé de retravailler en profondeur l’introduction et les dernières parties du livre, de parler de la réappropriation collective qui a été faite de la série. 

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On reste quand même très troublé par cette double face de Joss Whedon, dont tu rappelles aussi qu’il a reçu une éducation féministe. 

 La dissonance cognitive est dingue. Joss Whedon a répété plusieurs fois dans des interviews que c’était le plus grand des féministes, il a même eu des prix [en 2013, il a remporté celui de « Make Equality Reality », pour son engagement en faveur de l’égalité hommes-femmes, ndlr]. Donc, forcément, à un moment donné, on lui demande des comptes. Il a voulu ce pouvoir, il l’a eu et il n’a pas su le gérer. 

Si tu devais conseiller trois épisodes de Buffy à quelqu’un qui n’a jamais vu la série, lesquels choisirais-tu ? 

Le double épisode « Innocence », où Buffy finit par avoir une relation sexuelle avec Angel, et où on se rend compte qu’il y a une malédiction qui a été lancée sur lui il y a plusieurs centaines d’années, et qui fait que s’il a un moment de pur bonheur – ce qui est le cas avec Buffy –, il perd son âme et redevient méchant. Il est vraiment génial parce qu’il élargit la mythologie de Buffy.  Joss Whedon a appelé cet épisode « Innocence » pas pour dire que Buffy perd son innocence, comme on pourrait l’entendre d’un point de vue sexiste, en le reliant à la virginité. Non, pour lui, elle est toujours aussi innocente. À la fin, Buffy finit par avoir un premier combat avec Angel, mais n’arrive pas à le tuer, et quand il la nargue en lui disant qu’elle n’y arrivera jamais, elle lui balance un coup de pied dans les parties génitales et lui dit : « Donne-moi le temps. » Cette saison, c’est une saison très Roméo et Juliette et pour autant, à la fin, Juliette ne va pas crever pour Roméo. Elle se choisit. 

Dans mon souvenir, la scène de sexe entre Buffy et Angel est assez kitsch… 

Oui, clairement, Joss Whedon ne sait pas filmer les scènes de sexe. Il essaie de faire un truc un peu artistique : un ralenti, un jeu avec les draps… En fait, il ne sait filmer des relations sexuelles qu’en rajoutant du fantastique et des codes – celle entre Willow et Tara par exemple est très jolie. Il y a un autre épisode que je conseillerais, dans la saison 3 cette fois : celui où Cordélia demande à un démon – qui est Anya, un personnage qui reviendra et qui a une super trajectoire – d’entrer dans un monde alternatif dans lequel Buffy ne serait jamais venue à Sunnydale [l’épisode 9, intitulé « Meilleurs vœux de Cordélia ». Sunnydale est la ville fictive dans laquelle se déroule la série, ndlr]. Dedans, toute la ville est prise d’assaut par les vampires. C’est assez génial parce qu’ils se servent de la version vampire de Willow pour montrer qu’elle a des tendances queer, et montre toute l’étendue de l’univers de Buffy. Le dernier épisode de la saison 7 est incroyable [« La Fin des temps, partie 2», ndlr]. La scène finale où les personnages vont dans le souterrain pour se battre contre des super-vampires. Elles ont une hache qui symbolise leur puissance. Il y a une musique super épique et c’est juste magnifique à voir. 

Est-ce qu’il existe une série qui serait la digne héritière de Buffy ? 

Il y en a une que j’aime bien c’est True Blood [série créée par Alan Ball, le créateur de Six Feet Under, et diffusée entre 2008 et 2014. Elle imagine un monde dans lequel coexistent humains et vampires, ndlr], parce que c’est très cul, très queer, ultraviolent. Et pour moi, l’anti-Buffy, c’est Twilight, parce que le phénomène « Twilight », c’est peut-être le plus gros truc de vampires qui est arrivé après Buffy. Mais je ne suis pas la seule à trouver que le message est quand même assez rétrograde. C’est terrible parce qu’on n’a pas fait mieux que Buffy en vingt-cinq ans, ce qui prouve aussi que c’est un chef d’œuvre. 

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