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Steve McQueen, destins brisés

  • Anne-Lou Vicente
  • 2016-02-16

« Remember me », peut-on lire sur chacun des soixante-dix-sept néons qui recouvrent un mur entier de la galerie Marian Goodman, reprenant l’écriture manuscrite d’autant de personnes. Un appel au souvenir, pluriel et anonyme, qui résonne a posteriori avec l’installation filmique Ashes présentée au sous-sol. Scindant l’espace en deux, un écran suspendu montre d’un côté les images

« Remember me », peut-on lire sur chacun des soixante-dix-sept néons qui recouvrent un mur entier de la galerie Marian Goodman, reprenant l’écriture manuscrite d’autant de personnes. Un appel au souvenir, pluriel et anonyme, qui résonne a posteriori avec l’installation filmique Ashes présentée au sous-sol. Scindant l’espace en deux, un écran suspendu montre d’un côté les images du jeune Ashes qui, jouant avec l’objectif de la caméra, se tient, éclatant de fougue et de beauté, à la proue d’un bateau au large de la mer des Caraïbes. Tournées en Super 8 par le chef opérateur Robby Müller et restées dans les rushes inutilisés d’une autre œuvre de Steve McQueen datant de 2002 (Carib’s Leap), ces images furent ressorties de l’ombre lorsque l’artiste, revenu sur l’île de la Grenade huit ans plus tard, apprit la disparition brutale de leur protagoniste, tué par balles pour avoir trouvé de la drogue sur la plage. L’autre côté de l’écran montre l’envers de ces images qui, dans un violent contraste, vient en éclairer toute la portée dramatique : à l’impression de liberté et de bonheur à perte d’horizon s’opposent l’austérité et la petitesse de l’ultime demeure d’Ashes, dont McQueen filme les étapes de construction. En off, on entend les voix de deux de ses amis qui font le récit de sa mort tragique, retranscrit et imprimé sur un poster reprenant une image tirée de la vidéo, que chacun est invité à emporter avec soi. Une manière simple de faire circuler cette histoire qui trouve un écho malheureux avec tant d’autres destins individuels prématurément brisés, d’en perpétuer le souvenir. Apparaissant comme une métaphore, Broken Column consiste en un ensemble de deux sculptures figurant une colonne cassée érigée sur un piédestal, l’une en granit noir du Zimbabwe, l’autre, tel un modèle réduit enfermé dans une cage de plexiglas, en Perspex. À même le sol du petit espace jouxtant l’entrée de la galerie reposent deux imposantes pierres recouvertes de feuilles d’argent : une parure captant la lumière que McQueen pose, en même temps que son regard – et a fortiori le nôtre –, sur ces morts perdus dans les limbes de la mémoire collective. Souvenez-vous.

 jusqu’au 27 février
à la galerie Marian Goodman

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