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Expo : agnes b. explore l’enfance à La Fab.

  • Quentin Grosset
  • 2022-03-25

Dans une expo espiègle, ludique, et parfois inquiète, agnès b. met en avant la part d’enfance de son immense collection d’art, où se croisent Harmony Korine, Martin Parr, Claire Tabouret, mais aussi – et avec le même désir, attrait et la même curiosité – des artistes plus confidentiels et quelques anonymes.

Peut-être parce que c’était mercredi, il y avait beaucoup d’enfants à La Fab lorsqu’on a fait la visite de l’exposition « L’enfance dans la collection agnès b. » Ce ne serait sûrement pas pour déplaire à la styliste, qui a donné à son lieu transversal dédié à l’art contemporain, La Fab.,  comme une allure indisciplinée de salle de jeu. Pas de hiérarchisation entre les œuvres, les époques et les artistes : que ces derniers soient anonymes, installés, célèbres ou novices, agnès b., piochant dans sa collection, invente un parcours très personnel (elle y a même glissé des photos de famille) qu’on peut aussi appréhender comme un jeu de pistes malicieux, où se racontent de petites histoires, comme celles qu’on se chuchote petits.

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Ainsi une photo de Stephen Gill de 1997 avec deux enfants qui s’apprêtent à faire un plongeon est placée en regard d’une toile classique et non signée de chérubins s’éclatant dans l’eau. Un peu plus loin, moins lyrique, dans une fibre sociale criarde et saturée, le photographe Martin Parr tranche un peu avec ses vacances de bambins issus de familles populaires à New Brighton dans les 90’s - ambiance balnéaire baignant dans la friture et le plastique de la société de consommation. Au-delà de chaque contexte, la sensation universelle de la légèreté de l’été, des vacances, de l’aventure et du rêve, contre la pesanteur du monde adulte, de la sphère du travail et des contraintes matérielles.

Dès l’entrée de La Fab., agnès b. nous invite à regarder au-delà du cadre des photos (qui sont le cœur de l’exposition, même si plasticiens, peintres, dessinateurs, vidéastes sont aussi bien représentés) avec un cliché signé André Villers représentant Pablo Picasso et ses deux enfants regardant hors champ. Il y en aura d’ailleurs d’autres de ces regards en biais, comme ceux que capte l’Allemand Ingar Krauss dans ses portraits dans un noir et blanc évanescent de fillettes, qui intriguent et troublent, portant comme une fêlure secrète.

« Je m’appelle Hmmm… » d'agnès b.

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L’idée, c’est donc bien de déborder, comme sur les coloriages – l’expo rend un hommage fasciné à l’expression enfantine elle-même, et certains artistes comme Eugène Ionesco, Harmony Korine, ou le musicien anti-folk et dessinateur Daniel Johnston cherchent à retrouver dans leurs œuvres la candeur brute de nos dessins les plus joyeusement infantiles. Sur certaines photos, ce côté pas sage transparaît franchement, notamment sur les sublimes images que le photographe Max Natkiel a pris dans un club d’Amsterdam au début des années 1980 – les kids y singent les postures punks avec pas mal d’allure et de panache, comme nous défiant ou nous intimant de désobéir.

Dans ses bifurcations et ses surprises, l’expo porte souvent aussi la part la plus inquiète de l’enfance. Une fragilité qu’agnès b. avait exploré en tant que cinéaste dans son très sensible Je m’appelle Hmmm (2013), dans lequel une fillette était victime d’agressions sexuelles commises par son père. Cette tonalité plus douloureuse point dans certains dessins de Warhol, emplis d’un sentiment de solitude, dans les portraits éthérés et opaques de Claire Tabouret, dans le mélange d’innocence et de violence des jeux de tirs photographiés par Luna Piccoli-Truffaut, dans les poupées sombres de Reen Berrera – qui renvoient sûrement à l’objectification des corps - ou encore dans les esquisses de Jared Buckhiester, qui évoquent des contes désenchantés.

Quand on l’avait interviewée sur ses goûts en cinéma, Agnès b. nous avait confié que son film préféré était La Nuit du Chasseur de Charles Laughton. C’est bien avec le même mélange d’émerveillement et de tension que les enfants-héros de ce film qu’on traverse cette belle expo.

Jusqu’au 30 juin à La Fab / Fonds de dotation Agnès b.

Images : Paradiso Stills (c) Max Natkiel, 1984 / Sister Berlin (On the red Army) (c) Harmony Korine, 2002

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