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Virginie Efira : « Je me demande si je ne suis pas plus folle que je ne le crois »

  • Timé Zoppé et Quentin Grosset
  • 2022-09-02

Des plateaux télé au ciné d’auteur français, Virginie Efira a toujours su trouver son fil, avec un talent fou pour tordre subtilement les conventions et subvertir l’image lisse qu’on a voulu lui coller. Fascinés par ses interprétations bouleversantes dans les deux films les plus puissants de la rentrée, « Les Enfants des autres » de Rebecca Zlotowski et « Revoir Paris » d’Alice Winocour, on l’a rencontrée dans son bureau, dans le XIe arrondissement, qui jouxte son appartement et qu’elle nous a présenté comme son « lieu à soi », selon la formule de Virginia Woolf. Avec son ironie et son autodérision irrésistibles, elle nous a parlé des franges les plus folles de sa carrière.

En 2016, pour la sortie de Victoria de Justine Triet, vous nous aviez dit : « Le cinéma est très rarement un endroit d’une grande radicalité. » Après la télé puis des comédies romantiques « grand public », votre carrière était en train de prendre un tournant « auteur » ?

Je devais parler du cinéma qu’on me proposait à l’époque. Justine Triet était la plus radicale parmi tout ce qu’on m’avait proposé jusque-là. Même dans le fait de me choisir. C’était se défaire d’un snobisme, penser à quelqu’un indépendamment de son parcours, mélanger un scénario assez classique de comédie romantique avec un truc d’elle. Je trouve plus ma place là-dedans que dans des endroits serrés, comme quand je travaillais pour M6 [de 2003 à 2008 ; elle a notamment animé le télécrochet Nouvelle Star pendant trois saisons, ndlr], où la question prioritaire, c’était [elle prend une voix grave et un ton ampoulé, ndlr] : « Qu’est-ce que veulent les gens en ce moment ? Il paraît que la solidarité, c’est en vogue. On va faire une émission là-dessus ! » Quand j’ai commencé à faire du cinéma, j’ai entendu des choses comme ça aussi. Avant Victoria, je fantasmais complètement sur l’autre bord du cinéma, comme si c’était un territoire sans chapelle, d’une extrême liberté. Quand on arpente les choses, c’est plus nuancé. Et, parfois, même dans les séries ou les films destinés au divertissement, il peut y avoir une invention. La question, c’est : comment cette radicalité est-elle possible aujourd’hui ? Je m’inquiète de la baisse de fréquentation dans les salles, mais surtout de savoir où se niche la possibilité de faire quelque chose qui ne soit pas une resucée de ce qui a déjà existé.

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Comment composiez-vous avec les rôles parfois stéréotypés que l’on vous proposait au début de votre carrière au cinéma ? Il paraît que vous interveniez directement auprès des cinéastes.

Oui, il m’est arrivé de réécrire mes scènes, toujours avec l’accord du metteur en scène. À cette époque, il y avait une typologie de personnages. C’était avant #MeToo. On pouvait me demander de jouer une avocate mais dont le métier était annexe, qui divorçait en ramassant tout le pognon de son ex. Ça pouvait même être considéré comme féministe… J’avais plus de diplomatie qu’aujourd’hui. Je savais assez bien dire : « Ah ! c’est formidable, mais je vais quand même réécrire ! » C’est arrivé dès 20 ans d’écart [sorti en 2013, dans lequel elle incarne la rédactrice en chef d’un magazine féminin qui sort avec un jeune étudiant incarné par Pierre Niney, ndlr], le réalisateur, David Moreau, avait une ambition de cinéma. Je lui ai dit : « Je le fais si tu acceptes que je réécrive mes scènes. » – Par ailleurs, je serais moi-même bien incapable d’écrire tout un scénario. Il a accepté.

Je me suis aussi retrouvée à faire des films un peu spé, sur la pétanque [Les Invincibles de Frédéric Berthe, sorti en 2013, avec Gérard Depardieu et Atmen Kelif, ndlr], à jouer la fille qui tombe amoureuse du gars qui lance le cochonnet… Il fallait que je retravaille le personnage pour y croire. C’est très ricain, mais j’ai ce truc de croyance, il faut que je croie aux choses et aux gens. Dans 20 ans d’écart, je trouvais que l’héroïne était quand même un peu moteur, et il y avait le côté comique, même si je savais que je n’étais pas Valérie Lemercier.

« Le cinéma, il fallait trouver comment y entrer, avec mon complexe d’avoir commencé par la télé. »

Le comique, c’est un genre qui vous plaît ?

Ah oui ! J’adorerais être Jim Carrey ou Adam Sandler. Je savais que j’avais un peu un truc comique, mais pas non plus un énorme potentiel. C’est un genre merveilleux, la comédie, même si en France il est à travailler. Je peux trouver des comédies françaises qui m’ont amusée, mais, bon, le premier exemple qui me vient, c’est Camille redouble [de Noémie Lvovsky, ndlr], et ce n’était pas la semaine dernière [le film est sorti en 2012, ndlr].

Les deux films dans lesquels vous jouez en cette rentrée comportent une part politique, ouvrant le champ des représentations de la famille dans Les Enfants des autres, se penchant sur le trauma des attentats dans Revoir Paris. Y a-t-il une forme d’engagement dans le choix de vos rôles ?

C’est comme si ça allait de soi, en fait. Je ne prends pas un scénario en me disant : « Alors, au niveau de la diversité, je mets combien ? Sept sur dix sur le féminisme, là c’est bien. Mais bon, il y a un mec qui l’aide là, donc c’est peut-être un peu universaliste… Est-ce que ce ne serait pas mieux un féminisme plus radical ? Allez, six. Et c’est un homme qui réalise, il a plus de 60 ans : moins deux points. » Bien sûr que non. [Un petit miroir accroché à sa gauche, dans lequel elle a fait mine de se regarder quelques secondes plus tôt, se décroche soudain, ndlr.] Ah ! ça y est, le narcissisme est tombé, on va enfin pouvoir parler normalement ! Justine, comme elle est féministe, elle pouvait écrire dans Victoria : « Ce qui est misogyne, c’est de croire que les femmes sont des victimes par nature » sans qu’on se dise « Attends, c’est quoi cette phrase ? ».

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Je m’intéresse aussi aux représentations, mais ça n’est pas venu tout de suite. J’ai montré Pretty Woman à ma fille, un film que j’aime toujours, surtout pour le jeu de Julia Roberts. Mais, en voyant le film à l’époque, je ne me disais pas : « En fait, la femme est juste là à dire “C’est génial, je vais pouvoir m’acheter des vêtements !” » Pareil quand je bossais à la télé, où j’avais tout l’attirail de la conne, la blondeur, la jupe courte et le micro, et où on me faisait dire des trucs comme : « On cherche une chanteuse, ça commence par “Mado”, ça finit par “Na”. » J’avais peur qu’un mec que j’aimais bien zappe sur l’émission et se dise : « Mon Dieu, mais c’est la cruche du siècle… »

J’ai essayé de mettre de la distance, de planter des endroits d’humour. J’étais en lutte pour trouver une place, mais avec une forme d’acceptation. Le cinéma, il fallait déjà trouver comment y entrer avec mon complexe d’avoir commencé par la télé. Je suis arrivée à l’intérieur d’un système. Aujourd’hui, je pourrais jouer une femme esclavagisée par un homme, ce n’est pas une question de morale. Mais je ne peux pas me mettre au service d’une pensée qui suit gentiment ce que la société dit mollement et qui plaît à tout le monde. Ce que j’aime, c’est essayer de représenter une condition humaine, féminine, contemporaine, quelque chose que tu sens en toi. Si tu vas chercher quelque chose de très intime, tu touches peut-être plus de gens.

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Dans Les Enfants des autres, vous jouez une prof de lycée qui s’attache à la fille de son nouveau compagnon, alors que la mère biologique est toujours dans les parages. Il y a au cœur du film l’idée de « faire famille » à partir de l’amour et non de la filiation génétique. Vous vous êtes nourrie de votre propre expérience ?

Oui, je le fais à peu près pour tous les films. Il m’arrive, pour comprendre un personnage, de mettre un autre visage devant. Bon, je ne dis pas que, chaque fois que je joue face à quelqu’un, je mets mentalement une tronche devant, genre ma sœur, ma fille ou mon mec. Ça serait vraiment limité… Parfois, ce sont des choses qui se font avant le tournage, j’ai l’impression que j’arrive à fabriquer des choses dans la vie qui sont exactement ce qu’il va y avoir dans la fiction. Là, par exemple, je vais jouer un personnage qui est hyper angoissé. Je n’ai dormi que deux heures cette nuit, j’ai fait une insomnie pas possible. Je suis persuadée d’être la personne la plus saine d’esprit, mais je me demande si je ne suis pas plus folle que je ne le crois… D’ailleurs, j’ai joué beaucoup de folles.

Quand j’ai lu le scénario du film de Rebecca, ça m’a touchée extrêmement fort. Il y a eu des résonances intimes. J’ai eu un intérêt très fort pour les enfants des autres avant d’avoir ma fille [née en 2013 de sa relation avec le réalisateur Mabrouk El Mechri, ndlr]. Plus que le rôle de belle-mère, que je connais bien, il y a le positionnement de ce personnage, quelque chose dans un léger effacement. Au scénario, on sentait chez elle comme des endroits de creux. Elle est assez déterminée mais arrive dans une relation avec un homme après « la » femme qu’elle croit avoir été majeure pour lui, celle qui a donné vie. C’est un positionnement que j’ai fréquenté pendant des années.

Qu’est-ce qui vous a plu dans le travail avec Rebecca Zlotowski, avec qui vous n’aviez jamais tourné ?

Elle a trouvé un regard, quelque chose de juste, d’évident. C’est comme ces belles chansons extrêmement simples qui nous touchent de manière inédite. Pourtant, je suis difficile avec les films dans lesquels je joue. Quand j’en tourne un, j’y crois totalement, mais quand je le vois je le mets à côté de tous ceux qui existent, donc je suis souvent un peu trop dure. Après, j’ai une histoire avec Rebecca. J’avais été voir son premier film [Belle épine, 2010, ndlr], ça m’avait bouleversée sans que je comprenne bien pourquoi. J’étais allée lui dire. À l’époque, ce type de réalisatrice et moi, on était dans des univers différents. Un jour, elle m’avait appelée pour me proposer quelque chose. J’étais en émoi. En fait, c’était pour qu’on se mobilise pour les élections européennes… Elle avait raison, mais bon c’était pas exactement le genre de proposition que j’attendais ! Je l’ai toujours beaucoup regardée. Je crois qu’elle aussi. Il y avait un truc un peu comme avec quelqu’un avec qui tu sais qu’il faudrait avoir une histoire, même physique, et du coup on ne sait pas trop bien de quoi parler parce qu’il faudrait que ça passe par autre chose. Sur le tournage, il y a eu une compréhension très forte.

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Dans Revoir Paris d’Alice Winocour, vous jouez une femme rescapée d’un attentat à Paris. Vous êtes-vous posé des questions éthiques sur la reconstitution de l’horreur, sur la bonne distance à adopter ?

Confiance totale en Alice. Son regard m’a semblé digne, pudique, juste. Une manière de regarder la victime, le choc intime, la possibilité de vivre après. Avec la résonance inouïe que ça a pour elle [le frère d’Alice Winocour a survécu aux attaques du Bata­clan en 2015, ndlr]. Il y avait une fébrilité chez Alice d’affronter concrètement l’irruption dans une vie assez classique de la catastrophe avec un c majuscule. Et puis après, c’est comment tu fais pour préparer le rôle. Je n’aurais eu aucun jugement, au contraire, si un acteur avait eu envie de rencontrer des gens qui ont vécu ça et de leur parler. Moi, je n’aurais pas pu. J’ai écouté toutes les émissions de radio, les témoignages – en plus, c’était pendant le procès des attentats du 13-Novembre. Et j’ai été voir une psy qui travaille sur le trauma.

Ça m’a posé des questions sur ce que c’est que la dissociation [processus par lequel un individu se dissocie de ses émotions, de sa mémoire ou de la réalité et qui peut résulter d’un stress post-traumatique, ndlr]. Alice cherche une grande sobriété dans le jeu. Je faisais parfois des tentatives vers des trucs un peu chelou, mais elle m’a redirigée. Pour me faire comprendre des histoires de regards, elle m’a montré des films très différents du sien, comme The Dead Zone de David Cronenberg [dans lequel Christopher Walken joue un prof de lycée qui se découvre un pouvoir médiumnique et a des visions horrifiques, ndlr], qui m’avait d’ailleurs traumatisée quand j’avais 12 ou 13 ans.

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On se demandait justement ce qui vous avait marquée au cinéma sur le terrain de l’excès, du trash, voire du camp ?

Le premier auquel je pense, c’est Ne vous retournez pas de Nicolas Roeg [sorti en 1974, ndlr]. Ça m’a retournée. D’abord parce que j’adore cette époque-là, les films pouvaient être quelque chose et devenir autre chose, alors que maintenant on se pose en amont des questions genre [elle reprend une voix grave et snob, ndlr] : « Alors, c’est quoi, c’est une dramédie ? » Là, ça mélange plein de trucs, le giallo, le thriller psychologique, il y a une scène de cul géniale… [Le film raconte le deuil d’un couple qui vient de perdre sa fille et qui a des visions de celle-ci dans les ruelles de Venise, ndlr]. Je crois que j’ai moi-même fait un film camp, non ? Benedetta [de Paul Verhoeven, sorti en 2021, dans laquelle elle joue une nonne lesbienne au xviie siècle en lutte contre sa hiérarchie et atteinte de visions christiques filmées dans un style ultra baroque, ndlr]. Je l’adore pour ça, l’affranchissement, le risque… mais je comprends très bien les gens qui n’ont pas capté.

 Comment vous êtes-vous coulée dans ce registre ? Votre personnage de nonne dans Benedetta est carrément possédé, vous parlez à certains moments avec une voix d’outre-tombe…

Oui, c’était spécial ! Il fallait lâcher des choses. J’avais l’impression d’avoir le type de voix qu’on entendait au début de l’Auto-­Tune, genre Cher quand elle chantait [elle imite la voix autotunée de Cher dans le morceau « Believe », ndlr] : « Do you believe in life after love ? » J’avais l’impression que ça n’allait pas du tout, mais qu’en même temps c’était comique. C’est Verhoeven, il n’y a même pas de questions. À 20 ans, j’étais dingue de son cinéma. C’est difficile de retrouver une chose pareille. Il n’y avait pas énormément d’argent, trois mois de tournage, pour un propos hyper oblique, quand même. Ça, c’est cool. Enfin, quand tu aimes ce genre de film, que t’as aimé Showgirls [film de Paul Verhoeven sorti en 1996 sur une danseuse qui tente de se faire une place à Las Vegas, ndlr], même la scène où l’héroïne fait l’amour dans la piscine en gigotant comme un dauphin. S’il y a une scène de sexe et que Verhoeven te demande un truc de jouissance, tu y vas pleinement, comme si tu étais dans un accouchement particulier. Il te dit : « Plus fort, plus fort ! » Et tu te dis : « Wow ! vraiment ? » C’est amusant, quoi ! C’est super d’aller chercher du faux pour trouver du vrai. J’adore ça.

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Vous parliez de jouer la folie. Comment aborde-t-on ce genre de scène, d’état limite ?

Pour Benedetta, j’avais regardé des films, un truc génial avec des nonnes possédées dans un couvent, avec une grande actrice anglaise, et le prêtre qui couche avec tout le monde [sans doute Les Diables de Ken Russell avec Vanessa Redgrave, 1971, ndlr]. Je ne voulais pas jouer la schizophrénie, il fallait que ce soit comme une seule et même personne. Je m’étais fait tout un délire. Il n’y a pas tellement de psychologie du personnage, c’est pas comme s’il y avait un réalisme de la situation. Les scènes de cul étaient intéressantes aussi parce que ce n’était pas du naturalisme. À d’autres moments, il fallait que je trouve de la colère, ce sentiment de ne pas être vue, de ne pas être crue. Ça déclenche un truc physique. Ça me provoquait un mal de tête chaque fois, ça devait avoir à faire avec la respiration – tu veux agir sur quoi d’autre ? Je n’allais pas non plus me tailler les veines.

Je ne me souviens plus de qui disait que les acteurs qui jouent des fous, c’est toujours un peu gênant. Je pense que c’est pas mal de ne pas être trop en connexion avec son cerveau. Au moment du tournage, tu cherches plus à suivre un instinct. Ce qui est génial, c’est de ne pas se poser la question de ce qui est bien ou pas. Se défaire de ça, ça engage un mouvement. Ça laisse la possibilité d’être surpris, c’est l’inconscient qui va gérer l’affaire plus que toi.

On vous le dit souvent, vous ressemblez beaucoup à l’actrice américaine Gena Rowlands, tant physiquement que dans le jeu. C’est une actrice dont vous vous sentez proche ?

J’ai quand même encore un peu ma tête, donc je ne vais pas dire : « Ah oui ! je me réclame très fort de cette filiation ! » Non, je ne me suis jamais dit une chose pareille, évidemment, mais Justine m’en a parlé. Je vois une chose, une forme de solidité physique et d’écroulement possible. Gena Rowlands est passionnante à regarder. Après, quand on regarde beaucoup quelqu’un, peut-être qu’on l’imite un peu. À un moment, avec Justine, on s’est fait un genre de cycle où on ne regardait que ses chutes, pour voir comment elle tombe. Ce que j’aime bien, c’est qu’elle peut être délabrée ou quoi, mais la mèche de cheveux est toujours propre. La gueule peut être comme ça [elle mime un visage décomposé, ndlr], la mèche de cheveux est toujours nickel.

Dans un article des Inrocks où vous faites visiter Bruxelles, où vous êtes née, on apprend que plus jeune vous aviez des colocs stripteaseuses et vous alliez dans les clubs de drag-queens. Que retenez-vous de cette culture ?

J’ai énormément travaillé en boîte [elle a été barmaid, ndlr], j’ai dû faire toutes celles de Bruxelles. Il y a quelque chose qui me plaît dans cet univers-là, quand je l’imagine au cinéma par exemple, quelque chose d’un peu absolu… de célébration de l’instant, d’être ce qu’on veut être à ce moment-là. Ça peut passer par un excès de féminité, qui m’a toujours beaucoup plu, autant sur une femme que sur un homme. Et par des choses plus popu, comme les filles qu’on appelle des « cagoles ». J’ai été définie comme ça à un moment quand j’étais plus jeune. J’avais des chaînes en or aux pieds, j’étais beaucoup trop maquillée, je me faisais des boucles dans les cheveux… Il y a un truc qui me touche dans le fait de mettre beaucoup d’artifices en avant. Chez les gens qui mettent un peu de fiction dans le réel, il y a un truc de trompe-la-mort que j’aime bien. C’est quelque chose qui revient dans les personnages qui m’intéressent, d’ailleurs. Comment se défaire d’un enfermement. Parfois y arriver, parfois pas. Trouver une place.

Vous aussi, vous aimez mettre de la fiction dans le réel ?

Je crois très fort au pouvoir de l’esprit, aux perceptions plus qu’au concret des choses. Par exemple, je ne crois pas qu’on soit plus heureux avec une belle maison et un Oscar. Le truc, c’est comment on regarde les choses, ce qu’on se raconte comme histoire. Pas en tombant dans une mythomanie complète, évidemment. Pour moi, il y a un truc un peu enfantin. Parfois, juste avant de tourner, j’ai besoin de regarder un endroit vide pour m’imaginer qu’il n’y a pas de caméras, faire une sorte de télétransportation. Pour essayer d’être dans le ici et maintenant. Là, je théorise des choses avec vous, mais je ne cérébralise pas comme ça la plupart du temps, j’y vais plus à l’instinct. C’est un ensemble de choses qui fait que tu suis un fil, qui finalement ne racontera pas grand-chose, juste une identité. Et c’est déjà pas mal, une identité. Si tu te dis que la tienne est valable, comme n’importe quelle autre, là tu peux commencer à jouer un peu.

Revoir Paris d’Alice Winocour, Pathé (1 h 45), sortie le 7 septembre

Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski, Ad Vitam (1h43), le 21 septembre

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