- Article
- 5 min
Désobéissance de Sebastián Lelio : l’amour en fuite
- Trois Couleurs
- 2018-06-14
À la mort de son père, Ronit (Rachel Weisz) retrouve le milieu juif orthodoxe qu’elle avait fui des années auparavant. L’attirance qu’elle avait autre fois pour son amie Resti (Rachel McAdams), qu’elle a perdu de vue et qui a entre-temps épousé son frère, est intacte et attise de nouveau les tensions au sein d’une communauté qui se hisse au rang de juge. Dans Gloria (2014), le cinéaste Sebastián Lelio racontait l’histoire d’une quinqua fêtarde qui, après son divorce, squatte les boîtes de Santiago, fume des joints, s’émancipe enfin de son statut de mère et d’épouse. Trois ans plus tard, avec Une femme fantastique, il signait un drame plus sombre autour d’une héroïne transgenre conspuée par la famille de son amant, tout juste décédé. Avec Désobéissance, le Chilien tisse de nouveau un récit puissant autour de la figure magnifiée de la femme affranchie, hors des conventions, mais contrainte par un environnement hostile. Et ça sonne toujours aussi juste : en prenant pour cadre la religion dans ce qu’elle a de moins tolérant, Lelio nous fait sentir toute la pesanteur des protocoles, des renoncements face aux interdits. De temps en temps, il nous exfiltre de ce carcan asphyxiant par des échappées passionnelles, pleines de sensualité, où les personnages de Ronit et Resti reprennent vie. On pense à une très belle scène où, dans un acte symbolique, Resti retire sa perruque (un objet servant à camoufler la chevelure des femmes, considérée comme pouvant attiser les pulsions sexuelles des hommes dans la religion). Par ces allers-retours constants entre un rigorisme ultra sec et les sentiments exacerbés de ces deux femmes, ce drame maîtrisé et osé émeut autant qu’il galvanise.
Désobéissance de Sebastián Lelio
Mars Films (1h54)
Sortie le 13 juin