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« La Montagne » de Thomas Salvador : au sommet
- Marilou Duponchel
- 2023-01-31
Après « Vincent n’a pas d’écailles », merveilleux premier long métrage qui voyait son héros (déjà joué par le cinéaste) touché par la grâce d’un super-pouvoir aquatique, Thomas Salvador reconduit son obsession pour la métamorphose, cette fois-ci nichée dans les hauteurs des Alpes.
Si Pierre décide de se retirer dans la montagne, prétextant une maladie imaginaire pour échapper à sa vie d’ingénieur parisien, à sa vie tout court, ce n’est pas, tel un adepte des retraites détox, pour communier avec la nature ou rechercher le bonheur. Le bonheur n’est ici pas un horizon, et il ne se donne pas comme ça. On pourrait même voir dans l’histoire de cet homme possédé par l’appel des cimes quelque chose d’un malaise, ou peut-être d’un malheur de soi et de notre temps avec lequel il faudrait savoir cohabiter, négocier. Une tristesse qui empêche sans doute de choisir, de laisser vivre les désirs.
La Montagne, sous l’œil malicieux de Thomas Salvador, qui sait mêler à la crise existentielle un burlesque délicat, est peut-être cette partie enfouie de nous. En s’écoutant, Pierre se perd dans les hautes altitudes pour mieux se trouver (lui et l’amour aussi). À mesure du périple de son héros, le film se transforme comme lui, change de peau, mute pour s’approcher de l’abstraction, dans une sécheresse généreuse, organique, dans une économie qui sait extraire les beautés picturales des puissances supérieures de la nature. Après Vincent n’a pas d’écailles, Thomas Salvador cherche à nouveau dans la marge des paysages et des vies une voie à suivre, et trouve sa place.
La Montagne de Thomas Salvador,Le Pacte (1 h 55), sortie le 1er février