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À voir en ligne : « Gros chagrin », mélodie désaccordée

  • Raphaëlle Pireyre
  • 2021-06-11

Le court-métrage de Céline Devaux, primé à Venise, multiplie les procédés formels pour rendre sensible la désintégration d’un couple.

LE FILM : Gros chagrin

Gros chagrin est comme le souvenir aigre et fragmenté d’une histoire d’amour qui se termine mal. Jean, la trentaine, organise une fête pour son anniversaire et se remémore son histoire avec Mathilde. Triste, alcoolisé, il en ressasse le dernier week-end de leur histoire, l’outrance de la méchanceté et du ressentiment de la rupture.

Se mêlent à ce monologue intérieur des flashes de l’ultime dispute. Incarné par Swann Arlaud et Victoire du Bois, le couple est filmé dans un 16mm aux rouges et aux bleus saturés qui alternent avec des dessins de corps morcelés aux mouvements saccadés ou de ciels peuplés de nuées bourdonnantes.

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Dans ce cadavre exquis fait de jeux de mots, de sensations, de souvenirs, de éclats de voix, de phrases pas terminées, ce n’est pas l’histoire de ce couple qui se raconte, mais sa rupture qui se ressent. Gros chagrin est un condensé des sensations de la perte de l’amour et de l’immense douleur qu’elle laisse, comme un album photo de mauvais souvenirs.

: Gros chagrin, à voir sur la plateforme bretonne KuB jusqu’au 1er juin 2022.

LA FILMEUSE : Céline Devaux

Pour peindre le dépit amoureux, Céline Devaux, formée aux Arts déco, travaille la mélodie triste de son personnage à la manière d’une cheffe d’orchestre qui dirige des instruments variés. La voix de Jean est rejointe par l’électro de Flavien Berger, compagnon musical de ses autres films (Mille Murs, Le Repas dominical) dont elle réalise aussi certains clips, comme Gravité en 2015 :

Paul Guilhaume, chef opérateur qui a collaboré avec Léa Mysius (sur ses courts et son premier long Ava) ou récemment Jacques Audiard (Les Olympiades, présenté en compétition à Cannes 2021), travaille la photo saturée des prises de vues réelles.  

On reconnaît la patte de la réalisatrice-illustratrice à sa façon de reprendre le même type de dessins à l’encre sur cellulos que ceux de son précédent film Le Repas dominical (2015).

Dans ce film primé à Clermont-Ferrand et César du meilleur court métrage d’animation, la voix intérieure de Vincent Macaigne se déchaine face à la bêtise et la maladresse lors d’un repas familial. Pour les pensées cyclothymiques de Gros chagrin, la cinéaste emploie un procédé ancien et artisanal : un écran d’épingles créé par Alexandre Alexeïeff et Claire Parker dont les jeux d’ombres évoquent la gravure et qui se prête à la mélodie désaccordée du couple dépareillé.

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