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La Hadopi est morte ! Vive l’Arcom !
- Perrine Quennesson
- 2020-02-17
Le gendarme de l’audiovisuel va fusionner avec le CSA d’ici 2021 pour devenir un super-soldat de l’antipiratage, équipé de nouvelles armes.
Avec un nom qui sonnait comme un journal pour enfants, la Hadopi n’a jamais réellement effrayé le pirate, confirmé ou amateur. Créée en 2009, lorsque Nicolas Sarkozy, alors président de la République, avait promulgué la fameuse loi contre le téléchargement illégal et le piratage, la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (son nom complet) avait pour but de traquer les internautes adeptes du téléchargement dit en peer-to-peer, que ce soit pour la musique ou pour les œuvres audiovisuelles. Mais sa réponse graduée, à coups d’avertissements avant sanction, n’a pas vraiment réussi à convaincre de sa sévérité, et n’a pas concrètement endigué le phénomène du téléchargement et du streaming illégaux.
Une décennie plus tard, cet organisme, souvent sujet de moquerie, s’apprête à changer de peau – et à montrer les crocs. En mars prochain, le projet de loi sur l’audiovisuel (la plus grande réforme du secteur depuis 1986), qui concerne notamment le regroupement de l’audiovisuel public dans une société ombrelle appelée France Médias, des allégements réglementaires, notamment concernant la publicité, ou encore les obligations d’investissement des plateformes de vidéo pour la création française, passera devant l’Assemblée nationale – à l’origine, ce devait être fin janvier, mais une certaine réforme des retraites a décalé le calendrier. Ce texte confirme aussi et surtout la fusion de la Hadopi avec le CSA. Ce nouveau super-régulateur, qui s’appellera l’Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) et qui verra le jour courant 2021, aura des pouvoirs bien plus développés que la future ex-Haute autorité. Ainsi, et c’est nouveau, pourra-t-il avoir accès directement à votre email, ou infiltrer sous pseudos, grâce à son pouvoir d’enquête, les forums, les chats, les IRC ayant rapport avec le téléchargement illégal, comme un policier en civil virtuel. Une liste noire des sites proscrits sera également diffusée publiquement pour décourager les hébergeurs. L’Arcom devra enfin lutter contre les contenus haineux et faire respecter les droits d’auteur, aussi bien en ligne qu’à la télévision. Souriez, vous serez bientôt très surveillés.
• PERRINE QUENNESSON
ILLUSTRATION : ÉMILIE GLEASON