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CANNES 2024 · Retour sur le palmarès

  • Troiscouleurs
  • 2024-06-07

Présidé par la réalisatrice et actrice Greta Gerwig, le jury officiel de la 77e édition réunissait la scénariste et photographe Ebru Ceylan, l’actrice Lily Gladstone, l’actrice Eva Green, la réalisatrice et scénariste Nadine Labaki, le réalisateur Juan Antonio Bayona, l’acteur Pierfrancesco Favino, le réalisateur Hirokazu Kore-eda et l’acteur Omar Sy. Parmi les vingt-deux films présentés en Compétition officielle, ils et elles ont tranché pour établir le palmarès qui suit, que l’on agrémente de nos commentaires.

COMPÉTITION OFFICIELLE

Palme d’or : Anora de Sean Baker

Dans l’exaltant Anora, Sean Baker, cinéaste spécialiste des contes désenchantés (The Florida Project, 2017, Red Rocket, 2022), brosse le portrait d’une jeune travailleuse du sexe (géniale Mikey Madison), trimballée des bas-fonds de la Big Apple à la villa de luxe du fils d’un oligarque russe. En remportant la récompense suprême, ce film, entre comédie tarantinesque survoltée et chronique sociale lucide sur les rapports de classes, a redonné un allant inespéré au cinéma indépendant américain, pas franchement au top ces dernières années. On s’en réjouit. Date de sortie non communiquée.

Grand Prix : All We Imagine as Light de Payal Kapadia

Après avoir marqué les esprits avec son très beau premier long métrage Toute une nuit sans savoir (Œil d’or à Cannes en 2021), la réalisatrice indienne a rapidement gravi les échelons en intégrant la Compétition. Elle a séduit le jury de Greta Gerwig avec cette ode à la fois contemplative et sensorielle, qui suit un groupe de femmes en quête de liberté, des rues bondées de Mumbai au littoral de Konkan. La vraie capitaine du cinéma indien contemporain, c’est elle. Sortie le 2 octobre.

Prix de la mise en scène : Grand Tour de Miguel Gomes

Le réalisateur portugais nous emmène à Rangoun, en Birmanie, sur les traces d’Edward (Gonçalo Waddington), fonctionnaire de l’Empire britannique, fuyant Molly (Crista Alfaiate), sa fiancée, qui se lance à ses trousses. En lui donnant ce prix, le jury de Greta Gerwig a sacré une idée de la mise en scène forte et libre, qui décide de confronter des images documentaires d’aujourd’hui à une fiction tournée en studio, se déroulant dans les années 1910. La meilleure des échappées. Sortie le 18 décembre.

Prix du jury et prix d'interprétation féminine : Emilia Pérez de Jacques Audiard

Le projet était insensé : une comédie musicale sur une narcotrafiquante trans à la tête d’un cartel mexicain, avec parmi les têtes d’affiche la pop star Selena Gomez. Sur le papier, la cata assurée. En réalité, une franche réussite. Jusqu’au-boutiste, flirtant avec le mélo à la Almodóvar, le film doit beaucoup à son incandescent quatuor d’actrices, qui a remporté le Prix d'interprétation féminine collectif. En plus de l’excellente Selena Gomez, Zoe Saldaña fait un retour triomphal, tandis que Karla Sofía Gascón (première actrice trans à recevoir un prix d’interprétation) et Adriana Paz, vraies révélations, nous ont soufflés. Sortie le 21 août.

Prix d'interprétation masculine : Kinds of Kindness de Yórgos Lánthimos

On pouvait s’y attendre de la part du féroce cinéaste grec (Canine, Pauvres Créatures) : le titre et ses différentes « sortes de gentillesse » sont ironiques. Il s’agit plutôt d’observer les facettes les plus toxiques des relations humaines. Le film est constitué de trois chapitres indépendants mais joués par les mêmes acteurs, dont Jesse Plemons. L’Américain, qu’on adore depuis les séries Friday Night Lights et Breaking Bad, s’est taillé une place de choix dans le cinéma d’auteur étranger (chez Jane Campion et Martin Scorsese, entre autres), que ce prix mérité va consolider. Sortie le 26 juin.

Prix du scénario : The Substance de Coralie Fargeat

La réalisatrice française de Revenge (2018) a surpris tout Cannes avec son deuxième film, fable puissante, paradoxalement aussi déchaînée qu’ultra maîtrisée, sur la machine à broyer les corps féminins qu’est Hollywood. L’histoire d’une star sur le déclin (incroyable Demi Moore) qui décide de s’injecter une substance révolutionnaire (et pas super rodée) fondée sur la division cellulaire – et qui donne naissance à un alter ego parfaitement aligné sur les canons de beauté (Margaret Qualley). Le dernier segment du film, dément, nous obsède encore. Date de sortie non communiquée.

Prix spécial du jury : Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof

Le dernier jour, on découvrait Les Graines du figuier sauvage de Mohammad Rasoulof, cinéaste condamné à huit ans de prison en Iran et ayant fui son pays début mai. Le film, tourné clandestinement, revient sur la mort de Mahsa Amini après son arrestation en septembre 2022 par la police des mœurs iranienne, et sur le soulèvement populaire « Femme, vie, liberté » qui a suivi. Avec une finesse et un sens de la mise en scène hallucinants, Rasoulof ausculte la manière dont ces événements affectent les membres d’une famille de Téhéran : le père, juge pour le régime, la mère et leurs deux filles – l’une adolescente, l’autre étudiante. Notre Palme d’or. Sortie le 18 septembre.

Chiens stars :

Cette année encore, on est allés renifler tout ce qui concernait les toutous dans la grande gamelle cannoise. Notons d’abord la victoire de Kodi, qui a remporté haut la patte la Palm Dog pour Le Procès du chien de Lætitia Dosch (Un certain regard, sortie le 11 septembre), contre le Jack Russell croisé à l’affiche de Black Dog de Guan Hu (Prix Un certain regard, sortie le 22 janvier 2025). Mais le star-­system est rude. Sur le tapis rouge, Kodi, le griffon croisé, s’est fait concurrencer par Bunsen, le chihuahua de Sean Baker, qui narguait tout le monde avec son accréditation. Lui-même n’en menait pas large quand les photographes se sont agglutinés autour de Pilaf, la petite chihuahua chipie de Demi Moore. Depuis Paris, Mia, l’irrésistible carlin de notre journaliste Chloé Blanckaert, a tenté le tout pour le tout en enfilant un tutu rose et en commentant les news cannoises sur notre compte Insta. Pour nous, elle a plié le game.

UN CERTAIN REGARD

Grand Prix : Black Dog de Guan Hu

À quelques jours des J.O. organisés en 2008 à Pékin, la capitale du pays-hôte se vide. Le jeune Lang retourne dans sa ville natale qui est en proie à une invasion de chiens errants. Il en adopte un. Avec cette rencontre entre deux créatures solitaires, le réalisateur Guan Hu jette sur la société chinoise une lumière blafarde. Que deviennent les hommes lorsqu’ils se débarrassent de tous les éléments jugés inutiles et rasent des quartiers entiers, officiellement pour le bien commun ? Date de sortie non communiquée.

Meilleure réalisation exaequo : Les Damnés de Roberto Minervini et On Becoming a Guinea Fowl de Rungano Nyoni

Le documentariste italien passe à la fiction, et c’est une réussite. Il signe un film de guerre éthéré aux allures de western funeste, dans lequel des soldats de l’Union, envoyés à l’ouest pendant la guerre de Sécession, découvrent la véritable nature de leur mission. Avec On Becoming a Guinea Fowl, premier film zambien de la sélection cannoise, la brillante Rungano Nyoni (I Am Not a Witch, 2017) réalise une comédie absurde qui bascule vers une charge puissante contre le silence régnant autour des violences incestueuses.

Prix du jury et interprétation masculine : L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine

Le documentariste italien passe à la fiction, et c’est une réussite. Il signe un film de guerre éthéré aux allures de western funeste, dans lequel des soldats de l’Union, envoyés à l’ouest pendant la guerre de Sécession, découvrent la véritable nature de leur mission. Avec On Becoming a Guinea Fowl, premier film zambien de la sélection cannoise, la brillante Rungano Nyoni (I Am Not a Witch, 2017) réalise une comédie absurde qui bascule vers une charge puissante contre le silence régnant autour des violences incestueuses.

SEMAINE DE LA CRITIQUE

Présidé par la productrice Sylvie Pialat, le jury de la 63e Semaine de la critique, organisée par le Syndicat de la critique, a donné son Grand Prix à Simón de la montaña de l’Argentin Federico Luis, dans lequel un jeune garçon agit soudainement comme s’il était en situation de handicap mental. Le film nous questionne sur le regard de la société envers toute personne qui s’écarte de la norme. Le Prix du jury revient à Blue Sun Palace de Constance Tsang, vibrant appel à la sororité, à travers la rencontre entre deux migrantes chinoises dans le quartier du Queens, à New York. Simón de la montaña de Federico Luis, date de sortie non communiquée.

CAMÉRA D'OR

La Caméra d’or, c’est le prix qui distingue chaque année un premier long métrage, toutes sélections confondues – sauf l’ACID. Le jury, présidé par l’actrice Emmanuelle Béart et le cinéaste Baloji, a choisi de la remettre à un film qui a fait vaciller nos certitudes, Armand du Norvégien Halfdan Ullmann Tøndel, présenté à Un certain regard. À partir d’une agression entre deux élèves dans une salle de classe, le film interroge la façon dont les adultes vont s’emparer de l’affaire, répétant les mêmes mécanismes de violence que leurs enfants. Armand de Halfdan Ullmann Tøndel, sortie le 23 octobre.

QUEER PALM

Les Reines du drame d’Alexis Langlois (sortie le 18 décembre), Eat the Night de Caroline Poggi et Jonathan Vinel (sortie le 17 juillet)… Cette année, il y avait de sérieux prétendants à la Queer Palm, ce prix créé en 2010 par Franck Finance-Madureira pour récompenser un film à thématique LGBTQ, toutes sélections confondues. Toujours outsider, le jury, présidé cette année par le cinéaste belge Lukas Dhont, a surpris tout le monde en couronnant Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde du Roumain Emanuel Pârvu, présenté en Compétition, implacable récit de l’homophobie ordinaire dans un petit village roumain. Trois Kilomètres jusqu’à la fin du monde de Emanuel Pârvu, sortie le 16 octobre.

Image : © Augusta Quirk

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