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« Utama. La terre oubliée » d’Alejandro Loayza Grisi : au bord du monde

  • Margaux Baralon
  • 2022-05-09

Le Bolivien Alejandro Loayza Grisi a choisi les paysages impressionnants de l’Altiplano pour tourner son premier film. Il y superpose le portrait intime et touchant d’un couple de Quechuas âgés dont l’élevage de lamas est menacé par la sécheresse.

Un homme seul marche sur la terre brune et craquelée en direction d’un soleil rasant qui semble devoir l’engloutir tout entier. L’image pourrait s’échapper d’un western de Sergio Leone, mais elle ouvre en réalité le premier film du Bolivien Alejandro Loayza Grisi, Utama. La terre oubliée.

Cet homme, c’est Virginio, vieil éleveur de lamas, dont la respiration difficile rythme le film comme un avertissement. Avec sa femme, Sisa, ils font partie des derniers Quechuas qui vivent encore sur les hauts plateaux de la cordillère des Andes. Le village le plus proche se dépeuple au fur et à mesure que la sécheresse gagne du terrain et que les heures de marche pour trouver un point d’eau s’accumulent. Mais Virginio, lui, n’en démord pas. C’est ici qu’il a vécu et ici qu’il finira, qu’importe cette mauvaise toux qui le coupe en deux et les suppliques de Clever, son petit-fils, venu le convaincre de partir à la ville.

Alejandro Loayza Grisi filme avec une sobriété délicate la fin de ce bout du monde éclipsé par la modernité, le changement climatique et l’oubli. Car, dans la bicoque de ses grands-parents sans eau courante, Clever ne dépare pas seulement par le port permanent de ses AirPods. Il est aussi de cette génération qui n’attrape plus qu’un mot de quechua sur dix et ignore les traditions de ses ancêtres. Le réalisateur évite les facilités qui auraient pu donner à sa fiction des airs de grande leçon – Clever est loin d’être un jeune écervelé, alors que l’obstination de Virginio tend à l’égoïsme –, pour se concentrer sur l’idée de faire du cinéma.

Dans des cadres sublimés par les grands-angles et les couleurs éclatantes de sa directrice de la photographie, Bárbara Álvarez, il s’accroche aux détails. Un pas moins assuré, un geste sec pour repousser un petit-fils et le nouveau monde qu’il incarne, une tête posée par un vieil homme sur les genoux de sa compagne de toujours. Derrière la chronique d’un monde au bord de l’extinction apparaît alors celle d’un éternel amour.

TROIS QUESTIONS À ALEJANDRO LOAYZA GRISI

Vous étiez photographe au départ, comment êtes-vous passé au cinéma ?

J’ai travaillé comme directeur de la photographie et assistant réalisateur avec mon père, lui-même cinéaste. J’ai aussi aidé un ami qui écrivait un scénario. Tout cela m’a donné une idée assez précise de la pression qu’a un réalisateur, mais aussi du plaisir que peut représenter le fait de prendre toutes les décisions : placer la caméra à tel endroit, tourner telle scène après telle autre.

Pourquoi avoir choisi de tourner dans l’Altiplano bolivien, la région des hauts plateaux ?

Je connais bien cette région, parce qu’elle est proche de la ville dans laquelle je vis et que j’y ai beaucoup voyagé pour faire des documentaires. En tant que Boliviens, nous nous posons beaucoup de questions sur nos identités, puisque notre pays est très diversifié, culturellement. Cela m’a amené à explorer une histoire d’amour chez les Quechuas.

Comment avez-vous travaillé avec vos deux acteurs principaux, qui ne sont pas des professionnels ?

J’ai rencontré José Calcina et Luisa Quispe devant leur maison en faisant des repérages. Leur neveu les a convaincus de faire le film. Ils étaient très impliqués. On a répété pendant deux mois et ils connaissaient le scénario par cœur. Santos Choque, qui joue Clever, les a aussi aidés à se sentir à l’aise. Je voulais qu’ils ne soient pas stressés et qu’ils prennent du plaisir, et cela s’est révélé très amusant.

Utama. La terre oubliée d’Alejandro Loayza Grisi, Condor (1 h 28), sortie le 11 mai

Image: © Condor Films

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