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« Anhell69 » de Theo Montoya : épopée mortuaire

  • Quentin Grosset
  • 2024-05-02

[CRITIQUE] Élégie pour une jeunesse queer violentée en Colombie, le sublime documentaire  « Anhell69 » est comme le film-tombeau du réalisateur Theo Montoya pour ses amis, morts les uns après les autres alors qu’ils préparaient ensemble un film dystopique.

Sans répit, le film commence par la mort fictive de son réalisateur, comme pour d’entrée de jeu doucher tout espoir. La boucle tragique qui l’a amenée ici, Theo Montoya va nous la raconter allongé dans son corbillard, qui roule sur une route sombre de Medellín, ville cerclée de montagnes dans laquelle, dit-il, on ne voit jamais l’horizon. Face à ce manque de perspective, les jeunes queer de la ville ont pris refuge dans des clubs éthérés que Montoya arpente avec lyrisme, les filmant comme des sanctuaires alternatifs, la religion catholique particulièrement ancrée en Colombie les excluant sans état d’âme.

Au fond, c’est ce que le cinéaste ne cessera de faire pendant tout son film, trouver de nouveaux repères pour que lui et ses amis puissent s’épanouir quand bien même la police les traque et les tue, malgré les overdoses, les suicides, les disparitions troubles qui se multiplient dans son cercle. Le cinéma lui paraît la meilleure fuite, c’est le seul endroit où il confie pouvoir pleurer. Il pense alors à un film d’horreur sur la révolte, réprimée, de jeunes de Medellín qui couchent avec leurs fantômes. Mais, lorsqu’il le commence, il ne sait pas qu’il va devoir sans cesse le réinventer, son interprète principal (dont le pseudo Insta est Anhell69) étant mort d’overdose peu de temps après avoir été casté.

Le cinéaste nous donne accès à ses essais, qui sont parmi les scènes les plus fortes du film : face caméra, alors que le jeune homme apparaît aussi dilettante que nihiliste, on sent qu’un lien fort se crée avec le réalisateur, une alliance amoureuse et politique. Celle-ci se perpétuera par-delà la vie et la mort à travers Anhell69, ce film hybride et hanté, épousant la condition de ses âmes aussi errantes qu’inapaisées. Montoya leur donne la forme d’ombres aux yeux rouges, qui ressemblent aux spectres d’Oncle Boonmee. Celui qui se souvient de ses vies antérieures d’Apichatpong Weerasethakul. Ces esprits agités évoluent dans des limbes aux airs de ruines où s’inventent des raves clandestines, bouillonnant d’une colère prête à imploser.

Anhell69 de Theo Montoya, Dublin Films (1 h 15), sortie le 29 mai

Image : © Salzgeber & Co. Medien GmbH

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