
« J’ai rêvé de toi en couleurs. Tu étais libre parmi les couleurs. Tu évoluais librement à travers elles, à travers ces tissus et toutes ces choses. » Ces mots, auxquels l’exposition emprunte son titre, sont ceux que la mère d’Otobong Nkanga adressa à sa fille, lorsque celle-ci avait 15 ans. Des mots qui ont accompagné sa carrière d’artiste, à laquelle rien ne la prédestinait.
Après des études à l’université Obafemi-Awolowo d’Ife, elle intègre en 1995 les Beaux-Arts de Paris, où elle forge une œuvre composée à partir de minerais de la Terre, éternelle source de convoitise pour l’Occident. Entre son corps et l’environnement dans lequel l’artiste a grandi se noue une relation organique et spirituelle, dans le sillon d’Ana Mendieta ou de Susanne Wenger. Plus versatile encore que ses aînées, Nkanga met en relation des dessins, des objets, des sculptures en terre cuite et de vastes tapisseries : un réseau agencé par des protocoles de fabrication qui rendent compte des transformations de la matière autant que des cycles cosmiques.

Ces installations utilisent un large éventail de matériaux (textile, argile, céramique), mais aussi d’huiles, de plantes et d’échantillons de pierres (azurite, lépidolite, biotite, fuchsite, pyrite, œil-de-tigre) associées à des protocoles de soin ou de guérison. On peut aussi y voir une création réalisée avec 15 000 pains de savon que la plasticienne fait fabriquer dans le sud de la France. Des formes totémiques et végétales s’entrelacent dans des arborescences colorées qui traduisent un rapport holistique au monde. Si la scénographie reste un peu sage au regard des enjeux soulevés, on reste fasciné par la propension de l’artiste à tisser des constellations qui opèrent au-delà du seul plaisir esthétique : dans la cosmogonie d’Otobong Nkanga se lit aussi bien le passé que l’avenir, et l’espoir d’un sursaut écologique.
« I dreamt of you in colors », au musée d’Art moderne, jusqu’au 22 février 2026
