Yelle fête son vingtième anniversaire en grande pompe

Yelle, le duo formé par la chanteuse Julie Budet et le producteur Jean-François Perrier, alias Grand Marnier, célèbre deux décennies de pop malicieuse. Une longévité rare faite de choix précurseurs. Avec la chanteuse, on a rembobiné le film de cette success story.


Yelle
© Aleksandra Kingo

L’Olympia des 20 ans de Yelle a affiché complet en un clin d’œil. « On pensait faire une date et c’est tout », s’étonne encore Julie Budet, touchée par l’enthousiasme du public. Dans sa voix, pas une once de fausse modestie. Le groupe français mondialement (re)connu ne se prend toujours pas au sérieux, et c’est sans doute ça qui le rend si spécial. Tout a débuté en 2005 sur MySpace avec le succès inattendu du titre « Je veux te voir », une réponse féroce aux paroles sexistes de la chanson « Girlfriend » du groupe de rap TTC. Le phénomène online devient alors un single, et commence alors un parcours singulier : Yelle sort aussi bien un titre sur le label indé Kitsuné que le tube « Parle à ma main » avec Fatal Bazooka, alias musical de l’animateur Michaël Youn, alors au sommet de sa gloire. « Les gens ne comprenaient pas le grand écart », se remémore la chanteuse. Le nom du groupe porte le vestige d’une époque où les acronymes utilisaient l’argot.

S’inspirant du nom de la rappeuse M.I.A., Yelle s’est tout d’abord appelé Y.E.L., signifiant : « You Enjoy Life. ». Un groupe belge portant déjà ce nom, la formation française a féminisé le sien en y ajoutant deux lettres. Le groupe est « au bon endroit au bon moment », à ce moment-là, personne ne surfe sur le courant electroclash façon Peaches, en français. Leur reprise tektonik du hit des années 1980 « À cause des garçons » confirme la naissance d’un phénomène. En 2007, leur premier album, Pop Up, est certifié disque d’or, et le groupe est invité l’année suivante au prestigieux festival californien Coachella. Avec un temps d’avance, Yelle construit un univers visuel à la fois très mode et potache, à travers ses clips et ses lives.

UNE ICÔNE POP INDÉPENDANTE

Pour produire leur deuxième LP, le groupe choisit de créer son propre label, Recreation Center. Mais leur liberté de touche-à-tout n’est pas toujours très bien comprise dans l’Hexagone : malgré un bon accueil critique, leur deuxième album Safari Disco Club (2011) rayonne davantage à l’international. L’année de sa sortie, le groupe signe d’ailleurs un remix de la star américaine Katy Perry, « Hot N Cold ». Le groupe peut cependant compter sur un public fidèle où qu’il soit : les LGBT, car comme en témoigne sa collaboration avec Drag Race France All Stars, Yelle est une icône queer. Cette histoire d’amour s’est notamment écrite quand le groupe faisait les premières parties de Mika et des Scissor Sisters. « Ça a toujours été très évident », analyse la chanteuse. « La manière dont on aborde la sexualité et l’amour dans nos textes parle aux gens [LGBT, ndlr]. »

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La sensibilité humaine et artistique de Yelle amène le groupe à l’avant-garde de l’électronique queer : en 2015, le groupe collabore avec les Britanniques A.G. Cook et Sophie, pionniers de l’hyperpop. Au fil du temps, leurs textes audacieux et féministes ont ouvert d’autres voies : « J’ai souvent des retours d’artistes femmes pour qui notre musique a permis de se dire : “C’est possible d’être crue. C’est possible d’assumer une dualité, de décider de qui je veux être.” » Ce rôle de mère spirituelle, Yelle le cultive en collaborant avec de jeunes artistes… jusqu’à littéralement l’interpréter dans « Les Glaçons », son duo avec la chanteuse Kalika.

Yelle
© Aleksandra Kingo

En 2020, la sortie de L’Ère du Verseau a marqué un grand tournant pour le groupe. Le disque est marqué par le deuil d’un parent et l’avancée en âge. La voix de Julie Budet a changé, il faut l’apprivoiser, et le groupe choisit de travailler avec le producteur suédois Björn Yttling. Yelle assume plus frontalement la mélancolie, la tristesse, et se tourne alors vers des productions plus minimalistes. Un nouveau chapitre s’ouvre : le duo et le couple sont devenus parents. Yelle tournera désormais en famille et, à regret, renonce aux concerts en Amérique du Nord, par peur du climat politique… Julie Budet confie son envie de repartir en tournée avec un nouvel album à l’horizon 2026-2027. « J’ai envie que ça dure vingt ans de plus », dit-elle, en souriant. Nous aussi.

Yelle en concert à l’Olympia le 25 novembre à l’occasion de la tournée anniversaire du groupe