« Los años nuevos » sur Arte : la nouvelle série virtuose signée Rodrigo Sorogoyen

Montrer l’intimité d’un couple étalée sur une décennie, en se concentrant sur les quelques heures du changement d’année, à chaque épisode : tel est le défi de Rodrigo Sorogoyen avec cette étonnante série. Le cinéaste espagnol signe une œuvre aussi virtuose dans son écriture que dans sa mise en scène


Los Años Nuevos
© Manolo Pavón

À l’heure où le plan-séquence est devenu la tarte à la crème présente dans de nombreux films et séries, un réalisateur résiste encore et toujours à la tentation du geste purement performatif. Chez Rodrigo Sorogoyen, ce n’est jamais une prouesse technique gratuite. Après l’avoir montré magnifiquement dans ses films As bestas et Madre, ainsi que dans sa série Antidisturbios, le cinéaste espagnol le prouve une nouvelle fois dans les dix épisodes de Los años nuevos : un long plan sans coupe est là pour nous faire saisir la multiplicité des enjeux d’une scène et nous transmettre la circulation des énergies entre les personnages. Et, lorsqu’il est réussi, la fiction s’efface derrière la vérité elle-même.

C’est cette impression qui s’impose devant l’histoire d’Óscar et Ana, nés respectivement le 31 décembre et le 1er janvier, et qui se rencontrent par hasard le soir et le matin de leurs 30 ans. Ce couple, que l’on retrouve à chaque épisode au cours de la nuit de la Saint-Sylvestre sur une période de dix ans, ne s’incarne pas avec une époustouflante justesse. Il est un couple, tout court. Rodrigo Sorogoyen s’empare de tout ce qui le constitue : des petites épreuves aux peines immenses, des premières étreintes aux explosions voluptueuses – là aussi captées dans toute leur maladresse, leur improvisation et leur sensualité – restituées au cours de plans-séquences témoignant d’une grande maîtrise.

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Le dispositif dramatique de Los años nuevos repose sur les manques et les absences – tout ce qui s’est passé le reste de l’année –, et la grande force de celui-ci réside dans sa capacité à nous faire percevoir l’écoulement du temps hors champ, ainsi que les sentiments et la jeunesse qui l’accompagnent. Pas de crise superflue, pas de rebondissements hors du commun, tout ce qui se passe est puissamment banal, comme le délitement des relations. À l’instar d’Ana et Óscar (magnifiques Iria del Río et Francesco Carril), la comédie romantique atteint ici une sublime maturité.

Los años nuevos de Rodrigo Sorogoyen, disponible sur Arte