L’album du mois : « Una lunghissima ombra » d’Andrea Laszlo De Simone, sublime écrin pop

Le musicien turinois Andrea Laszlo De Simone explore avec une rare exigence les thèmes éternels du cycle de la vie, de l’amour, de la mort, dans de somptueux écrins de pop symphonique.


Andrea Laszlo De Simone 1 c Richard Dumas
Andrea Laszlo De Simone (c) Richard Dumas

On le connaît pour la musique du film de Thomas Cailley, Le Règne animal, un ensemble instrumental mélodieux et finement orchestré, accompagnant en crescendo ce récit fantastique de transformation, pour lequel le musicien piémontais a reçu un César en 2024. Mais Andrea Laszlo De Simone est aussi l’auteur-compositeur-interprète de magnifiques chansons en langue italienne, dans la lignée de la variété transalpine des années 1970, celle de Lucio Battisti, Adriano Celentano, Franco Battiato, qu’il transforme, seul dans son home-studio, en modèle intemporel de pop orchestrale.

Après Ecce homo (2012), Uomo Donna (2017), et surtout son sublime EP de 2019, Immensità (une symphonie de poche questionnant en quatre chansons le sens de l’existence, à travers l’infini, la mort ou… un coquillage), il poursuit, sur Una lunghissima ombra, son exploration de l’âme humaine, entre les gouffres et les astres, l’infiniment intime et l’immensité cosmique. Arpèges de piano, de guitare, batterie vintage, lignes de basse rondes et mélodieuses, cordes baroques, vents aériens et chœurs angéliques, et par-dessus tout la voix chaude et granuleuse d’Andrea, comme chantant à notre oreille… Ces dix-sept titres paradoxaux conjuguent pure joie musicale (ritournelles enfantines, dolce vita yé-yé, mélodies tournoyantes) et profonde mélancolie (textuelle), celle d’un homme qui, se retournant sur son passé, voit l’ombre de ses échecs, de ses manquements et de ses regrets s’étendre et recouvrir peu à peu son existence. Pourtant, ici, la lumière est partout.

Una lunghissima ombra (Ekler/Hamburger), à paraître le 17 octobre

ET AUSSI

KCIDY

Entre pop baroque psychédélique et synth-pop syncopée, Broadcast et Jacqueline Taïeb, KCIDY offre une apparente simplicité à ses compositions savantes, questionnant de sa voix cristalline l’enfance (les souvenirs qu’elle ravive) et la maturité (les idéaux perdus, à retrouver). Sujet sensible. 

L’Immensité et l’Immédiat (Vietnam), à paraître le 10 octobre

BERTRAND BELIN

Funambule entre les vertiges de l’amour et le vide des deuils, Bertrand Belin réduit jusqu’à l’abstraction (batterie en marche, pulsations de basse, étendues synthétiques) ses microfictions poétiques en dérives nocturnes, où le chant se fait plainte, les jeux de mots disant les maux, intimes, partagés. • W. P.

Watt (Cinq7), à paraître le 3 octobre

Water From Your Eyes

Piliers de la scène alternative de Brooklyn (aux côtés de YHWH Nailgun, Model/Actriz, Frost Children), Nate Amos et Rachel Brown invitent un batteur et un guitariste pour muscler leurs brûlots post-punk-noise, enfants de My Bloody Valentine et John Frusciante, glissant vers un étrange ambient-shoegaze, un psychédélisme futuriste saturé. • W. P.

It’s a Beautiful Place (Matador)