
Dans Muanapoto (2022), son premier court produit, Chriss Itoua se filmait en conversation avec sa mère d’origine congolaise, avec pour objectif premier de lui annoncer son homosexualité. S’y glissait bientôt la bouleversante tentative de rassembler les multiples identités induites par une double culture et les violences d’une société inégalitaire, pour lui comme pour elle.
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« J’ai besoin de montrer qui filme qui, sans épingler mon sujet comme un papillon », analyse cet ancien élève en cinéma de Paris I et de l’EICAR, dont le travail repose sur un patchwork d’images filmées, d’archives photos – « le seul patrimoine dont disposait ma famille à son arrivée en France » – et d’enregistrements sur supports divers, toujours reliés par la parole.
Avide d’échanges et de questionnements intersectionnels, le cinéma de Chriss Itoua, qui se compare volontiers à une « totally spy » tant se joue pour lui à l’écriture un véritable travail d’enquête, voyage entre territoire intime et espaces publics. Dans Grands garçons, où il apparaît par endroits, le trentenaire observe son frère, tout juste bachelier, en pleine réflexion sur l’avenir, la famille, le racisme, avec ses potes à Châtelet comme dans les rues médiévales de Senlis.

« À discuter dans les ruines du château royal de Hugues Capet, on apparaît comme trop visibles mais, paradoxalement, lorsqu’on est au travail dans les espaces publics, nos corps deviennent invisibles ». Porté par le travail d’Alice Diop (« qui a ouvert la voie »), de Sophie Letourneur (« pour son dispositif de reconstitution du réel ») ou d’Éric Rohmer (« LE cinéaste de la conversation ! »), Chriss Itoua pitche actuellement un court de fiction avec l’indomptable désir de « renouveler l’imaginaire, en montrant des rapports solidaires, adelphes, entre des personnes noires ».
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