CANNES 2025 · « Magellan » de Lav Diaz : une fresque à la violence et à la beauté sidérantes

À Cannes Première, Lav Diaz reconstitue plusieurs passages des dernières années de la vie de Magellan, navigateur et colon impitoyable rattrapé par son hubris dans un film d’une picturalité époustouflante.


magellan
"Magellan" de Lav Diaz (c) Nour films

Une première partie en Malaisie, durant laquelle Fernand de Magellan, explorateur portugais au service de la couronne espagnole interprété par Gael Garcia Bernal, voit ses partenaires mourir dans la jungle de Malacca ; une deuxième dans la péninsule ibérique puis sur le navire, avec lequel le navigateur effectue son dernier grand voyage de l’Atlantique à l’Océan Pacifique ; puis une dernière partie dans la région de Cebu, aux Philippines, où Magellan finit par périr sous les flèches empoisonnées des indigènes.

● ● À  LIRE AUSSI ● ●  Vu à Venise 2022 : “When the Waves are Gone” de Lav Diaz

Sur le papier, le film ressemble à un récit d’aventure épique, racontant le voyage d’un homme ayant effectué, avec autant de gloire que de désespoir, le premier tour du monde en bateau. En réalité, il s’agit surtout d’un film de Lav Diaz, soit un film méditatif, majoritairement en plan fixe et assez éloigné des personnages, où les images ultra nettes ressemblent à des tableaux vivants. Même avec une star et un nouveau chef opérateur (Artur Tort, celui d’Albert Serra, Diaz ayant l’habitude de filmer lui-même ses œuvres), le cinéaste philippin reste fidèle à son horizon premier, tirant du voyage de Magellan une dérive picturale jusqu’au-boutiste, avec des figures iconisées à l’avant plan de décors sidérants.

D’un même geste se renverse notre rapport au célèbre explorateur, démystifié et ramené à l’extrême violence coloniale dont il apparaît, sur son bateau comme sur les îles, le principal instigateur – massacrant indigènes et matelots sans sourciller. À partir d’une reconstitution historique chatoyante, Diaz remystifie à l’inverse ce qui se trouve autour de son personnage, magnifiant la jungle, l’océan, les communautés indigènes et le littoral philippin, cher à son cinéma. La place centrale accordée aux paysages traversés par Magellan aura ainsi permis de mettre en scène la mécanique coloniale : la violence impitoyable des hommes au premier plan est motivée par la conquête des territoires, magnifiques, qui se déploient dans le fond des tableaux.

Retrouvez tous nos articles sur le 78e Festival de Cannes, qui se tient du 13 au 24 mai.